Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/499

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une longue suite de siècles ; mais si une seule année de sécheresse anéantissait les fruits de la terre, une affreuse famine détruirait en quelques mois tout ce que le globe nourrit d’animaux.

C’est du soleil que nous viennent et la nourriture quotidienne, et la vie, et la force, et toute notre puissance. La lumière, les émanations chimiques, tous les rayons que cet astre nous envoie, sont des vibrations extrêmement rapides, analogues à celles qui produisent le son : c’est du mouvement, c’est de la force ; aussitôt qu’elle arrive sur les plantes, cette force est absorbée, elle disparaît, elle s’éteint. Mais aucune force ne s’éteint qu’à la condition d’avoir produit un effet, exécuté un travail qui en est l’équivalent. Or le travail qu’a fait la lumière absorbée par les feuilles, c’est de décomposer l’acide carbonique. Ainsi, ne l’oublions pas, il faut une somme donnée de force pour désunir une quantité donnée d’oxygène et de charbon ; c’est le soleil qui à chaque heure la fournit gratuitement.

Si maintenant nous mettons en présence cet oxygène et le charbon, et que, par une opération inverse, nous les combinions en brûlant ce charbon, ils produiront, en se réunissant de nouveau, toute la force qu’il avait fallu dépenser pour les séparer, c’est-à-dire tout ce que le soleil avait fourni. Ce sera de la chaleur, de la lumière, comme l’expérience le montre, et ce sera aussi de la force qui pourra être recueillie au moyennes machines à feu et employée à nos usages. Et qu’on veuille bien y réfléchir, c’est le soleil qui nous a préparé cette chaleur, cette lumière et cette force ; c’est ce qu’il a fourni aux forêts houillères à une époque où l’homme n’était pas créé que l’homme retrouve et qu’il dépense aujourd’hui.

Et ce qui est vrai de nos foyers inanimés se retrouve et peut se répéter dans ces foyers vivans que l’on appelle les animaux. Eux aussi brûlent des matières organiques, produisent de la chaleur qui élève leur température, et développent de la force et du mouvement : force qu’ils ne créent point, qu’ils doivent à cette combustion même, et au même titre que les machines à vapeur ; force antérieurement versée par le soleil dans les plantes, absorbée par elles, virtuellement conservée dans leurs productions qui sont nos alimens, que nous dégageons par la respiration et que nos muscles appliquent au gré de nos besoins et suivant notre volonté. Toute cette grande généralisation des phénomènes du monde est l’œuvre des chimistes et des physiciens modernes. Ce sont MM. Dumas et Boussingault qui l’ont dégagée les premiers ; c’est la théorie mécanique de la chaleur qui l’a complétée et démontrée ; mais déjà elle était tout entière dans la pensée de Lavoisier quand il écrivait : « L’organisation, le mouvement spontané, la vie, n’existent qu’à la surface de la terre dans les lieux exposés à la lumière. On dirait que la fable du flambeau de Prométhée était l’expression d’une vérité philosophique qui n’avait pas échappé aux anciens. Sans la lumière, la nature était sans vie : elle était morte et inanimée ; un Dieu bienfaisant, en apportant la lumière, a répandu sur la surface de la terre l’organisation, le sentiment et la pensée. »