Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/507

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convention de Chicago et de prendre pour expression la candidature du général Mac-Clellan.

Il se peut que les récens succès obtenus à Mobile par l’amiral Farragut, en Géorgie par le général Sherman, surtout s’ils sont poursuivis et soutenus par de nouveaux avantages, modifient encore une fois les mobiles impressions populaires ; mais il n’est pas douteux que les grandes espérances fondées au printemps sur la campagne de Virginie n’aient été suivies dans le nord d’une sorte de découragement qui s’est tourné en désir de paix quand on a vu Grant échouer dans ses premières et impétueuses attaques et recourir à de lentes et douteuses opérations de siège. Qu’il y ait eu alors un revirement dans l’opinion et que le gouvernement lui-même en ait tenu compte jusqu’à un certain point, c’est ce qui apparaît dans une curieuse démarche tentée au commencement de juillet par le président Lincoln. Le vieil Abraham, old Abe, comme on l’appelle en Amérique, montra bien dans cette circonstance ce mélange de sagacité, de finesse et de prudence qui lui fait une physionomie originale. L’histoire a été racontée minutieusement par le ministre des affaires étrangères des états confédérés, M. Benjamin, dans une dépêche adressée à M. Mason, à Paris. Dans les premiers jours de juillet, le général Grant adressa au général Lee une lettre où il le priait de permettre que le commissaire confédéré pour l’échange des prisonniers, le colonel Ould, reçût des communications de la part de deux fédéraux, le colonel Jacques et M. Gilmore. Dans le cas où le général Lee ne se croirait pas en mesure d’accorder cette autorisation, Grant le priait de transmettre sa demande au président Davis lui-même. C’est ce qui arriva. M. Davis consulté permit au colonel Ould de se mettre en rapport avec MM. Gilmore et Jacques. Après avoir vu ces messieurs, le colonel Ould revint à Richmond et dit à M. Davis que leur mission n’avait aucun rapport avec l’échange des prisonniers, qu’ils demandaient la permission de venir a Richmond afin de voir le président. Leur démarche était connue et approuvée de M. Lincoln ; ils avaient sa passe. Ils étaient, sans caractère officiel, des messagers envoyés pour préparer la voie à la réunion de commissaires officiels qui seraient chargés de négocier la paix. Ils désiraient s’entretenir avec M. Davis afin de lui faire connaître les vues de M. Lincoln et de s’informer en retour des idées du président confédéré. M. Davis permit à MM. Gilmore et Jacques de venir à Richmond sous la garde et la surveillance du colonel. Le ministre des affaires étrangères confédéré s’assura que c’était sur l’invitation de M. Lincoln que le général Grant leur avait ouvert l’accès des lignes confédérées, et le président eut avec eux, chez M. Benjamin, l’entrevue désirée. Les messagers du vieil Abe étaient enfin devant M. Davis. Celui-ci se montra disposé à les entendre et curieux de connaître les ouvertures de M. Lincoln. Ces ouvertures n’étaient pas compromettantes pour le cauteleux président des États-Unis. M. Gilmore était venu, dit-il, dans la pensée que M. Davis accepterait la