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paix sur la base de la reconstruction de l’union, de l’abolition de l’esclavage et d’une amnistie générale pour les confédérés. Pour l’abolition de l’esclavage, M. Lincoln proposait de soumettre la question au suffrage universel des populations réunies du nord et de la confédération. M. Davis répondit que les états du nord formant dans la réunion proposée la majorité, en faisant dépendre d’une question de majorité l’abolition de l’esclavage, on demandait aux états confédérés de se rendre à discrétion, d’avouer qu’ils avaient eu tort depuis l’origine du conflit, et de s’abandonner à la merci de leurs ennemis. L’extermination était préférable à un tel déshonneur. M. Davis ajouta qu’il n’avait pas qualité pour recevoir une proposition semblable, car le gouvernement confédéré n’avait pas le droit d’agir sur les institutions intérieures des états de la confédération, et par conséquent de soumettre une question comme celle de l’esclavage au vote d’une population étrangère. Il n’était autorisé à recevoir des propositions de négociation que comme président d’une confédération indépendante, et c’était sur cette base que les propositions devaient lui être faites. On se sépara, et les messagers de M. Lincoln repassèrent les lignes confédérées. Quoique cette tentative soit demeurée sans résultat et n’ait fait que mettre en présence les prétentions connues des deux partis, elle méritait d’être remarquée. Des pourparlers analogues, et se terminant de la même manière, avaient lieu vers le même temps au Canada, entre MM. Clay et Holcombe, amis de M. Davis, et un ami de M. Lincoln, M. Horace Greeley. Dans cette façon de se tâter réciproquement, le désir de la paix était déjà visible. Dans les paroles échangées entre M. Gilmore et M. Davis, on voit bien aussi que la vraie cause de cette terrible lutte est la question de l’esclavage ; c’est contre l’abolition de l’esclavage, réclamée par la majorité de la nation américaine, que M. Davis invoque toujours l’argument du particularisme et des state-rights et le moyen violent de la guerre. Si un autre intérêt était en jeu, qui croirait que des hommes sensés eussent poussé le fanatisme des state-rights jusqu’à une sécession, et refuseraient encore d’accepter une paix nécessaire sur la base du rétablissement de l’union ?

On sait ce qu’est dans un peuple ardent comme le peuple américain le sort d’une idée lorsqu’elle est soutenue par de grands intérêts et d’activés ambitions, et lorsque les représentans de l’idée contraire se laissent paralyser un moment par l’hésitation et le doute. Les mouvemens d’opinion semblent y procéder par coups de vent : il y éclate des tempêtes d’opinion. C’est cet état moral de l’Amérique, et surtout la connaissance qu’en ont les meneurs du parti démocrate, qui ont relevé tout à coup les chances de ce parti et ont donné une importance soudaine aux dispositions pacifiques diversement manifestées. La convention de Chicago, la désignation du général Mac-Clellan et la plateforme de sa candidature prêtent pour le moment au parti démocrate une attitude redoutable et un air de prépondérance dans la lutte présidentielle. La convention de Chicago a été précédée à Nia-