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ricain, qui défend l’avenir d’un continent où la nature, comme si elle eût voulu qu’il ne fût point partagé, n’a pas tracé de frontières naturelles contre des divisions anarchiques où s’éteindraient misérablement la puissance d’un grand peuple et les institutions les plus conformes aux droits et à la dignité de l’homme que l’univers ait jamais vues. Le grand parti républicain des États-Unis saura donc surmonter, nous l’espérons, les obstacles que lui suscite la formidable rivalité du parti démocrate. Son tort aux yeux d’une portion des Américains et des juges partiaux qu’il rencontre en trop grand nombre en Europe est de n’avoir pas terminé la guerre qu’il soutient depuis trois années. Cependant, pour des observateurs désintéressés, si cette guerre a été conduite quelquefois, avec désordre, si elle a été surtout trop dispendieuse, il s’en faut que l’Union américaine n’y ait pas conservé l’avantage sur ses ennemis. Au point surtout où elle est arrivée, elle semble toucher à des résultats qui pourraient exercer une influence décisive en faveur des républicains, s’ils se produisaient, même partiellement, avant l’élection présidentielle.

Pour apprécier ce que le parti républicain a fait en moins de quatre ans, il faut se rappeler dans quel état de dénûment au point de vue militaire il a pris le pouvoir. Les derniers temps de la présidence de M. Buchanan furent une véritable trahison contre l’union ; les postes les plus importans du gouvernement appartenaient alors à ceux qui sont devenus les chefs des confédérés. Ces hommes prévoyaient la victoire présidentielle du parti républicain et préméditaient la sécession ; ils dégarnirent le nord de tous les élémens qui auraient pu lui permettre, par l’emploi immédiat de la force, d’empêcher la dissolution de la république. Le parti républicain n’avait rien en fait d’armée et de marine quand il est arrivé au gouvernement ; ce qu’il a produit depuis lors en fait d’armée et de marine est si prodigieux que nous ne craignons pas de dire que, la France révolutionnaire mise à part, on n’a jamais vu dans l’histoire militaire une pareille improvisation de ressources et de forces. Les États-Unis ont donné là une idée de leur vitalité et de leur puissance qui ne s’effacera pas. Après ce déploiement d’énergie, ce qu’il faut constater, c’est que, malgré les fautes et les échecs partiels, les armées fédérales ont pris pied à peu près partout sur le territoire confédéré, qu’elles occupent les positions stratégiques les plus importantes, et que les sécessionistes, malgré leur admirable bravoure, non-seulement n’ont rien conquis sur le territoire fédéral, mais n’ont pu recouvrer aucun des points essentiels qu’ils ont perdus. Les fédéraux ont repris le Kentucky et le Tennessee ; ils ont la Virginie occidentale ; ils ont Wiksburg et la Nouvelle-Orléans. Ils détiennent les abords de Charleston, ils viennent de s’emparer de ceux de Mobile. La campagne actuelle n’a pas répondu aux espérances impatientes qu’elle avait excitées dans le nord ; mais quand on en étudie avec attention et impartialité la conduite, elle semble avoir été conçue avec une fermeté qui en rend le succès