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même prêtre qui, à la fameuse cérémonie des sermens, s’était signalé par une certaine ostentation à confirmer par son engagement personnel l’engagement de son maître. Il tint à son arrivée dans Antioche une attitude et un langage bien différens, car on vit le peuple et le clergé procéder, toute affaire cessante, à une élection épiscopale dont le résultat ne fut pas un moment douteux : Flavien fut nommé. Cependant les obsèques de l’évêque défunt se préparaient à Constantinople avec un apparat extraordinaire : l’accusé, le condamné de la veille, était devenu un saint, un martyr, dont la persécution des pauliniens avait accéléré la fin. Un grand concours de monde remplissait incessamment la maison qui contenait ses restes mortels. Une noble matrone voulut faire les frais de son embaumement, qui fut pratiqué avec les aromates les plus précieux de l’Arabie. Le corps, vêtu de lin et de soie, resta plusieurs jours exposé dans son cercueil, le visage découvert, sous une multitude de lampes et de cierges qui effaçaient l’éclat du soleil. Mélétius avait voulu reposer au milieu de son troupeau, dans l’église de Saint-Babylas, élevée par ses soins au-delà de l’Oronte ; le cercueil s’y achemina donc à petites journées, sur un char qu’abritait une tente magnifique. Tout le long de la route, les villes ouvraient leurs portes pour recevoir le convoi, malgré l’usage qui prohibait le passage des morts à travers les lieux habités, et dans les campagnes une haie non interrompue d’hommes, de femmes, d’enfans, accourus de plusieurs milles à la ronde, assiégeaient les flancs du char et le retardaient dans sa marche. C’était à qui contemplerait le saint tout à loisir, à qui toucherait sa face avec des linges que l’on serrait ensuite précieusement comme une relique et un préservatif à tous les maux ; ceux qui manquaient de linges préparés déchiraient leurs vêtemens sur place. La nuit, dans le lointain, on eût cru voir un incendie mouvant, tant il y avait de torches et de cierges allumés dans cette foule immense qui précédait et suivait le catafalque, et des chœurs de prêtres, relayés par intervalles, faisaient entendre sans interruption le chant des psaumes dans toutes les langues de l’Orient. À mesure qu’on approchait d’Antioche, les démonstrations croissaient encore en intensité, et le cercueil triomphal entra, comme une machine de guerre, dans cette même cité où celui qu’il portait avait voulu fonder la paix. Pendant ce temps-là, le concile achevait sa session, que complétèrent des discussions et des décrets sur des points de discipline et de dogme étrangers à notre sujet. Il pouvait se glorifier de son œuvre, car il avait réussi dans les deux questions qui touchaient le plus vivement aux passions publiques : Paulin était exclu du siège d’Antioche, et Grégoire de Nazianze quittait celui de Constantinople.

Sur ces entrefaites arriva en Orient une épître synodique des