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Yazoo et son affluent le Sunflower. Autrefois, notamment en 1782 et en 1828, tout cet espace, dont la largeur moyenne est d’environ 50 kilomètres, était complètement noyé par les eaux d’inondation pendant les crues exceptionnelles, et les rares habitans cherchaient alors un asile sur les monticules artificiels élevés dans les temps anciens par les peaux-rouges. Depuis la colonisation et la mise en culture du pays, ces terres basses, où de riches plantations cotonnières ont remplacé la forêt vierge, sont défendues contre le Mississipi par de fortes levées qui, en certains endroits, n’ont pas moins de 13 mètres de haut et 96 mètres de large; mais les inondations du grand fleuve ont laissé des traces de leur passage dans le Mud-Creek, le Deer-Creek, le Steel-Creek, le Sunflower, le Yazoo-Gate et tant d’autres fausses rivières et lagunes dont le réseau partage le sol en d’innombrables parcelles. C’est à travers ce dédale d’eaux presque stagnantes que se dirigèrent, un peu à l’aventure, les canonnières de l’amiral Porter, tantôt voguant librement sur des lacs profonds, tantôt se glissant par d’étroits fossés obstrués, de boues et de troncs d’arbres. cette étrange et pénible navigation, qui eût pu finir d’une manière désastreuse pour les fédéraux, si la flottille était restée emprisonnée dans quelque bayou, se continua pendant près d’un mois et demi ; les marins détruisirent d’une manière effective toutes les communications de Vicksburg avec les comtés du nord, et s’emparèrent d’une grande quantité de coton; en outre les confédérés brûlèrent eux-mêmes les entrepôts et les granges sur toutes les plantations riveraines que leurs adversaires menaçaient d’une visite. Arrivés dans le Haut-Yazoo, les navires essayèrent en vain de réduire le fort Greenwood, construit à l’embouchure de la rivière Tallahatchie, et, craignant d’être enfermés, ils durent rebrousser chemin pour rentrer dans le Mississipi.

Pendant que ces diverses tentatives étaient faites inutilement pour tourner la place de Vicksurg, soit par le canal, soit par les voies indirectes des bayous, l’amiral s’occupait aussi de forcer directement le passage. Cette entreprise était périlleuse. Il ne s’agissait de rien moins que de descendre à toute vapeur le fil du courant qui rase le pied des Wallnut-Hills et des collines de Vicksburg, et pendant cette course de 14 kilomètres il fallait essuyer le feu de cent pièces de canon, parer le choc de quelques bateaux confédérés, éviter le banc de sable qui s’étend au loin dans le fleuve au large de la péninsule. Le colonel Ellet, commandant le vapeur Queen of the West, résolut de tenter l’aventure avec un équipage de cent volontaires. Le 2 février, le bateau, dont les bordages sont protégés par des balles de coton, cherche à se glisser le long de la rive droite du fleuve avant de se lancer dans le redoutable détroit; mais il est bientôt aperçu. Il s’engage alors hardiment sous le canon de la