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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/586

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quartier-général à la maison de Chancellorsville, à 16 kilomètres à l’ouest de Fredericksburg, et ses troupes, évaluées à 80,000 hommes, occupèrent tout l’espace montueux et boisé que limitent au nord le Rappahannock, au sud la petite vallée du Massaponax. Par cette manœuvre, les fédéraux menaçaient à la fois les flancs de l’ennemi et ses communications avec Richmond. La division du général Segdwick, restée en face de Fredericksburg, était chargée d’attaquer directement les positions des confédérés, tandis que le général de cavalerie Stoneman, expédié dans la direction de Richmond, avait pour mission de couper les ponts des chemins de fer, d’arracher les rails et de brûler les magasins d’approvisionnemens. Le général Lee ne s’attendait pas au changement de position opéré soudain par l’armée fédérale; mais, ne se laissant pas effrayer, il résolut immédiatement de prendre l’offensive et d’employer à l’improviste contre les fédéraux le moyen qui lui avait déjà si bien réussi lors de la seconde bataille de Bull-Run. Le 2 mai 1863, quelques instans avant le coucher du soleil, « Stonewall » Jackson, à la tête de 50,000 hommes, tombe comme un ouragan sur les derrières de l’armée fédérale. A la vue de ces hommes qui s’avancent au pas de course par colonnes solides, à l’ouïe de leurs affreux hurlemens, semblables aux cris de guerre des peaux-rouges, les troupes de la division Howard, composées pour la plupart d’Allemands nouvellement enrôlés qui n’avaient jamais vu le feu, sont saisies d’une indicible frayeur; à l’exception de quelques régimens qui reculent en combattant, la division tout entière s’enfuit dans le plus grand désordre en abandonnant huit pièces d’artillerie, et va semer la confusion dans le reste de l’armée. Il fallait à tout prix arrêter la panique, fermer la brèche que l’attaque du général Jackson venait d’ouvrir dans les positions fédérales. Le général Sickles réunit à la hâte un certain nombre d’hommes dévoués; il accourt, le pistolet en main, et, s’appuyant contre une muraille de pierre, parvient à mettre une digue au torrent des fuyards; le général Pleasanton démonte sa cavalerie pour défendre quelques pièces de canon pointées contre les assaillans; enfin la plus solide division de l’armée, celle qui, sous les ordres du général Berry, s’était le plus distinguée dans les sanglantes batailles du Chickahominy, arrive au pas de course à la défense de la position menacée, et contre elle vient se briser l’attaque impétueuse des confédérés. Pendant la nuit, les unionistes regagnèrent même une partie du terrain que leur avait fait perdre la panique de la division Howard. A minuit, l’artillerie tonnait encore.

Le lendemain, 3 mai, la bataille recommença dès l’aube du jour. Le corps du général Jackson, renforcé par deux divisions du corps de Longstreet, revint à la charge avec une énergie désespérée. Les troupes d’élite de l’armée fédérale, massées sur les points me-