Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/587

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nacés et protégées en tête par quarante pièces d’artillerie, repoussèrent énergiquement l’attaque. Décimées par les boulets, les colonnes confédérées se reformèrent sous le feu et tentèrent un nouvel assaut avec tant de fureur que les unionistes reculèrent, mais sans se laisser entamer. Les soldats de Jackson arrivèrent au pas de charge jusqu’à la gueule des canons, ils essayèrent de les escalader : ce fut en vain, les boulets et la mitraille les emportaient par files entières. Dans ces terribles assauts, l’armée séparatiste perdit près de 10,000 hommes tués ou blessés ; elle dut renoncer à son entreprise, et longtemps avant la nuit elle se retira dans la forêt voisine, laissant les fédéraux maîtres d’une grande partie du champ de bataille. À Fredericksburg, la journée fut encore plus funeste à l’armée du sud. Le général Sedgwick, à la tête de 20,000 hommes, força le passage du Rappahannock, et ses colonnes d’assaut emportèrent ces formidables hauteurs dont l’armée de Burnside avait naguère vainement tenté l’escalade. Il est vrai que les pertes des assaillans furent très considérables. Près de 5,000 soldats tués ou blessés jonchèrent les pentes de la colline : c’était le quart de l’effectif total.

Le lendemain, Hooker, ayant à sa disposition un grand nombre de troupes fraîches, aurait dû profiter de la lassitude des forces de Jackson et de Longstreet pour renouveler le combat ; mais, inquiet de ne pas avoir reçu de nouvelles de l’expédition de Stoneman, et craignant peut-être d’autant plus de commettre une imprudence que plusieurs voyaient en lui un général téméraire (d’où le sobriquet de Fighting Joe), il resta dans ses cantonnemens sans essayer de frapper le grand coup. Le général Lee, plus habile, ne perdit point la précieuse journée du 4. Portant toutes ses forces disponibles contre le corps d’armée du général Sedgwick, qui n’avait pas encore eu le temps de s’établir solidement dans sa nouvelle conquête, il le rejeta au-delà du Rappahannock : c’est à peine si le vainqueur de la veille eut le temps d’emmener ses prisonniers et son artillerie. Débarrassé d’un adversaire, Lee put alors changer de front et se diriger vers Chancellorsville pour coopérer directement avec Jackson et prendre l’armée de Hooker entre deux feux. Il pleuvait à torrens. Le Rappahannock, grossissant à vue d’œil, menaçait d’emporter les ponts et de priver ainsi les troupes fédérales de leurs moyens d’approvisionnemens. Il est vrai que l’armée du général Lee se trouvait aussi momentanément séparée de sa ligne de base, car le général Stoneman avait parfaitement réussi dans sa mission : il avait bridé les ponts du Mattapony, du Pamunkey, du Chickahominy, détruit les vastes magasins d’une station et trois convois chargés d’approvisionnemens, fait un grand nombre de prisonniers, repoussé divers détachemens isolés jusqu’à Richmond et