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une semaine qu’il occupait l’île Morris, sa petite armée était déjà réduite d’un tiers.

L’échec subi par les fédéraux devant le fort Wagner permit au général Beauregard de faire ses préparatifs de défense sur tous les points menacés. Pendant le jour, la flotte fédérale, embossée à une distance variable de 300 à 1,200 mètres de la rive, faisait bonne garde pour empêcher tout mouvement de troupes confédérées. De temps en temps, elle démontait les canons des ouvrages ennemis; toutefois elle ne pouvait mettre obstacle au débarquement nocturne de soldats de renfort, ni aux travaux invisibles entrepris pour les batteries masquées. Le fort Wagner, considérablement agrandi, fut armé de pièces de gros calibre; on consolida le revêtement de plaques de fer qui défendait les murs du fort Gregg, construit à l’extrémité septentrionale de l’île; de nouvelles machines infernales et autres obstructions sous-marines furent semées autour de la fameuse forteresse Sumter; enfin le général Beauregard plaça de puissantes batteries sur les terres voisines de l’île Morris, afin de prendre à revers la position des unionistes et de les inquiéter dans leurs travaux d’approche. D’ailleurs les lentes opérations des assiégeans ne pouvaient guère être entravées d’une manière sérieuse, grâce à la forme particulière de l’île, protégée d’un côté par la mer, de l’autre par des marécages infranchissables. Le 17 août, après un mois d’un labeur que la saison et la nature du sol rendaient très pénible, les fédéraux, ayant poussé leur troisième parallèle jusqu’à moins de 500 mètres du fort Wagner, ouvrirent de nouveau leur feu; mais cette fois les boulets et les obus lancés par l’artillerie de Gillmore n’avaient pour but aucun des ouvrages de l’île Morris : ils dépassèrent les forts Wagner et Gregg pour aller foudroyer à près de 4 kilomètres de distance la grande citadelle de Sumter, dont les murailles, se dressant au milieu de la rade, offraient un excellent point de mire. En même temps les vaisseaux cuirassés faisaient taire le canon de Wagner et répondaient à ceux de Gregg et de l’île Sullivan, située au nord de la rade. Le double bombardement, continué sans interruption pendant huit jours, produisit des effets terribles. Le 25 août, la partie du fort Sumter tournée vers le sud et vers l’est n’était plus qu’un amas de ruines, tandis que le fort Wagner ressemblait à une dune de sable fouillée dans tous les sens. Dès le 21, Gillmore, voyant les énormes dégâts opérés par son artillerie, somma le général Beauregard de lui abandonner Sumter et les divers ouvrages de l’île Morris, menaçant de bombarder la ville de Charleston, si la reddition des forts attaqués n’était pas immédiatement effectuée. Le général confédéré répondit fièrement par un refus à la demande du général Gillmore et donna l’ordre au commandant du fort Wagner de résister jusqu’à la dernière extrémité. Les fédéraux recommencèrent alors