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qui laissait une ouverture dans la ligne de bataille entre le centre et la gauche. Aussitôt l’ennemi, s’élançant à travers cette brèche, l’élargit par ses attaques de flanc et réussit dans l’espace de quelques minutes à couper l’armée fédérale en deux. La confusion fut extrême. La retraite devint déroute. Les soldats de la droite et du centre, se voyant débordés par l’ennemi, escaladent à la hâte les montagnes qui s’élèvent à l’ouest et se précipitent dans les vallons qui s’ouvrent au nord vers Chattanooga. Les généraux Mac-Cook et Crittenden, le général Rosecrans lui-même, sont entraînés par le torrent des fuyards et poussés jusque dans la ville; une partie du centre parvient seule à se replier sur la gauche, commandée par le général Thomas. Les colonnes confédérées, triomphantes sur tous les autres points, n’ont plus maintenant à vaincre que ce seul adversaire, vainement attaqué la veille. Cette fois encore, « adossé comme un lion aux escarpemens de la montagne, » il repousse tous les assauts. On cherche alors à le tourner. Le général Longstreet avise un col de montagne d’où il est facile de prendre les fédéraux à revers, et donne immédiatement l’ordre de l’emporter; mais le général Granger, commandant le corps de réserve unioniste, arrive sur le col avant Longstreet, il y place une batterie de six canons et lance la mitraille et les boulets presque à bout portant sur les colonnes d’attaque : là aussi les confédérés durent reculer après un terrible conflit. Lorsque la bataille cessa, l’armée du sud, ayant vaincu complètement Rosecrans, dut se reconnaître impuissante contre le corps du général Thomas. Celui-ci garda ses positions pendant la journée suivante, et ne se replia sur Chattanooga que dans la nuit du 21 au 22 septembre. La terrible bataille de Chickamauga, qui ne devait avoir de résultats importans ni pour la cause du nord, ni pour celle du sud, n’en avait pas moins été l’une des plus sanglantes de la guerre. D’après les rapports officiels, les pertes des deux armées en morts et en blessés s’élevèrent ensemble à près de 30,000 hommes, dont 16,000 fédéraux.

Les chefs de l’armée du sud comprenaient parfaitement que leur victoire de Chickamauga ne serait pour eux qu’un fait d’armes stérile, s’ils ne réussissaient pas à déloger les restes de l’armée fédérale de la place de Chattanooga, qui était le véritable enjeu de la guerre du Tennessee : aussi le général Bragg garda-t-il sous ses ordres la division Longstreet pour tâcher d’investir complètement la place et d’en couper les communications avec le nord. Au premier abord, Chattanooga semblait perdue pour les fédéraux. Cette place, qu’enserre au nord et à l’ouest un méandre de la rivière du Tennessee, occupe un cirque ondulé dominé à l’est par les collines du Missionary-Ridge, hautes de 300 mètres environ, au sud-ouest par la cime escarpée du Lookout-Mountain (mont de la vigie), dont l’é-