Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/617

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de garder l’offensive; ils avançaient lentement, mais d’un pas sûr.

D’ailleurs personne dans la confédération ne comprenait la grandeur du danger mieux que les chefs du gouvernement et les membres du congrès. Pendant les mois de répit que leur donna l’hiver, ils firent preuve d’une résolution et d’une énergie rarement égalées. En dépit de la prétendue souveraineté des états, tous les pouvoirs furent centralisés à Richmond, et les garanties de liberté personnelle furent suspendues. Tous les soldats enrôlés reçurent l’ordre de rester au service jusqu’à la fin de la guerre; les réfractaires de la Caroline du nord et de certaines parties de l’Alabama furent pourchassés comme des bêtes fauves et de force enrégimentés dans l’armée; tous les hommes valides de dix-sept à cinquante ans, sans autre exception que celle des ouvriers employés dans les établissemens militaires, furent appelés sous les drapeaux; on organisa en corps de milices les enfans de seize ans et les vieillards de cinquante à cinquante-cinq ans, tandis que des milliers de femmes et de jeunes filles prirent dans les bureaux de l’administration la place des commis devenus soldats. En même temps le congrès ne recula point devant une banqueroute partielle pour se procurer le nerf de la guerre; en votant l’émission nouvelle de bons du trésor, il décida que les billets précédemment émis pour une somme de près d’un milliard seraient imposés successivement de 33, de 50, de 100 pour 100, c’est-à-dire qu’ils perdraient toute valeur, s’ils n’étaient échangés contre de nouveaux assignats.

Moins énergique parce qu’il n’est pas menacé des mêmes dangers, le gouvernement de Washington n’en prit pas moins de grandes mesures pour consolider les forces nationales et leur assurer l’avantage de l’offensive. Grant, le vainqueur de Vicksburg et de Missionary-Ridge, fut appelé au commandement en chef de l’armée, et la tente lui fut assignée pour quartier-général. Il commença par faire demander au peuple une nouvelle armée de 200,000 hommes, puis il réorganisa complètement l’état-major afin d’obtenir une plus grande unité dans la direction des opérations militaires. Les événemens que nous allons raconter brièvement sont encore trop récens et trop embrouillés, les documens authentiques sont encore trop rares pour qu’il soit possible de discerner nettement tous les résultats obtenus par l’initiative du général Grant dans la présente campagne; cependant l’ensemble des faits militaires suffit à prouver, croyons-nous, que le « héros de Vicksurg » n’a point trompé la confiance de la nation.

Avant de frapper les grands coups, il voulut d’abord se rendre parfaitement compte de la situation en faisant opérer, soit par de simples détachemens de cavalerie, soit même par de grands corps d’armée, de fortes reconnaissances sur les divers points de l’im-