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Les corps de troupes, attaqués à l’improviste, se replièrent en désordre, et des milliers de fuyards traversèrent éperdus le centre et l’arrière-garde de l’armée pour aller se mettre sous la protection des canonnières de la Rivière-Rouge. Quelques régimens essayèrent en vain de soutenir le choc des Texiens, ils durent battre en retraite après avoir perdu 2,000 hommes tués, blessés ou prisonniers. Le lendemain, les confédérés voulurent poursuivre leurs avantages; mais pendant la nuit les troupes du nord, revenues de leur surprise, s’étaient formées en ligne de bataille sur les hauteurs de Pleasant- Hill : elles repoussèrent toutes les attaques de l’ennemi et lui firent subir une perte considérable.

En dépit de cette victoire du second jour, le général Banks, privé d’une grande partie de ses approvisionnemens, menacé sur ses derrières par de forts détachemens confédérés qui parcouraient les bords de la Rivière-Rouge et mettaient le siège devant Alexandria, dut ordonner la retraite vers le Mississipi. Ce mouvement s’accomplit sans désastre; mais la flottille de l’amiral Porter, aventurée sur un fleuve que parsèment des embarras d’arbres et que coupent des rapides dangereux, courut grand risque de rester bloquée dans les eaux basses. Obligés chaque jour de disperser à coups de canon les bandes ennemies qui les suivaient sur les deux berges, les vaisseaux descendirent péniblement, à travers les bancs de sable, les rapides et les embarras jusqu’en amont d’Alexandria; là toute la flottille se trouva retenue par le manque d’eau, elle semblait inévitablement perdue, et les confédérés, se réjouissant d’avance de la grande capture qu’ils allaient faire, essayaient d’établir autour des vaisseaux un cercle de batteries. Bailey, rude pionnier de l’ouest devenu colonel dans l’armée fédérale, trouva le moyen de tirer l’amiral Porter de cette fâcheuse position ; sous le canon de Kirby Smith et du prince de Polignac, il fit barrer la rivière pour élever le niveau des eaux, puis il ouvrit à travers le barrage un canal de fuite dont le courant rapide emporta successivement tous les navires par-dessus les obstacles du fond. Ainsi fut sauvée l’escadre de monitors et de tortues, qui paraissait devoir tomber, comme une proie facile, entre les mains de l’ennemi.

Tandis que les fédéraux essayaient, avec des succès divers, d’accroître sur les deux rives du Mississipi la zone que leur avait value la prise de Vicksburg et de Port-Hudson, les esclavagistes cherchaient dans le cercle d’armées qui se resserrait autour d’eux un espace mal gardé qui leur permît de reporter la guerre vers les régions populeuses du centre, et qui fît hésiter le général Grant dans ses plans de campagne. Cet espace libre, les confédérés le trouvèrent, grâce à la connivence des copper-heads qui fourmillent dans le Kentucky. Forrest, ancien marchand d’esclaves, promu