Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/620

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dans le sud à la dignité de général, fit tout à coup son apparition, à la tête de 7,000 hommes, dans le Kentucky occidental, et se présenta devant la ville importante de Paducah, que des affidés du nord avaient, dit-on, approvisionnée de marchandises de toute sorte en prévision de la visite de leurs alliés. La cité fut mise au pillage, mais la garnison du fort, composée en grande partie de nègres, se défendit victorieusement pendant deux jours et força les esclavagistes à la retraite. Furieux de son échec, Forrest se jette alors avec toutes ses troupes contre le petit fort Pillow, ouvrage de 4 canons situé sur une falaise de la rive gauche du Mississipi et défendu par 500 soldats, dont 250 nègres. La garnison résista jusqu’au soir; mais, le commandant ayant été frappé à mort et la canonnière qui prenait en enfilade les assaillans ayant épuisé toutes ses munitions, les confédérés escaladèrent les murailles et pénétrèrent dans le fort. Les hommes de la garnison jetèrent leurs armes et demandèrent quartier. Ce fut en vain, une horrible boucherie commença. Les blessés, blancs et nègres, furent achevés à coups de crosse et de baïonnette; les fuyards furent abattus à la course, tués jusque dans l’eau du Mississipi; les femmes et les enfans qui se trouvaient dans le fort ne furent même pas épargnés. Des soldats féroces se donnèrent le plaisir d’enterrer vifs quelques-uns des vaincus. A peine une dizaine de mutilés, laissés pour morts sur le sol rougi de sang, survécurent-ils à cette affreuse tuerie et purent-ils en raconter les détails. D’abord on voulut mettre leurs récits en doute, mais les meurtriers eux-mêmes ne craignirent pas de vanter insolemment leurs exploits et trouvèrent des admirateurs jusque dans le congrès de Richmond. D’ailleurs une commission nommée par le gouvernement fédéral alla sur les lieux mêmes recueillir des preuves irrécusables du massacre.

Le général Forrest, content de son œuvre de sang, se hâta de faire sauter les remparts du fort Pillow, qu’il eût été incapable de défendre, et se réfugia au plus tôt dans l’intérieur du Tennessee, poursuivi par les généraux Sturgis et Grierson. Il avait fait beaucoup de mal, mais du moins n’avait-il pu reconquérir d’une manière permanente aucune position stratégique. Dans la Caroline du nord, le général confédéré Hoke fut plus heureux. Après avoir fait contre New-Bern plusieurs tentatives infructueuses, il mit le siège devant Plymouth, et pour la première fois depuis le commencement de la guerre les fédéraux furent obligés d’évacuer une place qu’ils avaient conquise et fortifiée. Certes Plymouth, comparée à Nashville, à Chattanooga, à la Nouvelle-Orléans, n’a qu’une importance très secondaire; mais la perte de cette ville n’en constitua pas moins un sérieux échec pour les fédéraux et les obligea d’abandonner en grande partie à leurs ennemis les eaux intérieures de l’Albemarle-Sound.