Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/675

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Gortchakov, ils y trouvèrent une expression assurément peu fidèle et conforme seulement à l’opinion du sénile ministre suédois, qui déclarait à M. Jerningham (dépêche du 17 mars) « considérer la prompte suppression de l’insurrection comme un bonheur pour la Pologne. » — L’état qui devait le premier et le plus douloureusement se ressentir bientôt des suites de l’abandon de la cause polonaise et du rapprochement opéré par cet abandon entre les trois puissances copartageantes, le Danemark, ne songeait alors qu’à s’assurer les bonnes grâces du tsar. Dans sa dépêche au baron de Plessen du 8 mai, M. Hall, le ministre des affaires étrangères à Copenhague, déclarait « que si le gouvernement du roi venait à son tour exprimer ses vœux et témoigner son intérêt pour le bonheur et la prospérité de l’empire russe, c’est avant tout parce qu’il se rappelait combien de fois le Danemark avait pu constater l’intérêt que le gouvernement impérial lui portait et se féliciter de l’efficacité que le pouvoir bien, assis de la Russie donnait nécessairement aux manifestations de cet intérêt. » M. Hall redoutait donc « les éventualités qui pourraient résulter de la prolongation de l’état actuel des choses en Pologne, » il redoutait « une grande commotion où le Danemark ne fût exposé à courir des chances funestes, » et il désirait « le plus vivement et le plus sincèrement voir la Pologne déposer les armes devant la générosité de l’empereur… » Le pouvoir « bien assis » de la Russie en 1864 a-t-il été d’une grande « efficacité » pour la conservation de la monarchie danoise ? N’est-il pas plutôt permis de croire que la « grande commotion » qu’appréhendait M. Hall, que l’union et l’action énergique de la France et de l’Angleterre dans la question polonaise auraient préservé le Danemark de « chances funestes, » auraient créé à M. de Bismark d’autres préoccupations et empêché l’invasion du Slesvig ? — Quant à l’Italie, nul doute qu’elle eût suivi la France dans une guerre libératrice pour la Pologne : la vertu eût été alors une nécessité trop impérieuse pour ne pas exciter l’enthousiasme ; mais, appelée pour le moment à ne rendre hommage qu’à la justice, elle se montra au plus haut degré gênée, réservée et froide, et oublia un peu trop le droit éternel, son propre passé, bien récent cependant, et jusqu’au sang que les Polonais ont versé pour elle en maintes occasions. Dans sa dépêche du 7 mars au marquis Pepoli[1], le comte Pasolini exprima « la confiance que l’empereur voudrait persister dans les concessions et les réformes si malheureusement interrompues par la révolte ; » il trouva même le moyen de faire quelque peu de la propagande panslaviste, assurément intempestive et déplacée dans une pareille circonstance, en

  1. Résumée dans la dépêche de lord Napier du 2 avril.