Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/832

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Maurice lui-même sera-t-il infidèle à ses débuts ? Serait-il vrai que le désintéressement chez certains hommes de guerre est le privilège de la jeunesse, et que bientôt l’habitude d’une grande existence, les tentations du commandement, l’ivresse du pouvoir absolu jointe à l’ivresse de la guerre, développent dans les meilleures natures une cupidité honteuse ? Un jour viendra où les pilleries du comte de Saxe et du comte de Lowendal arracheront des cris de fureur ou plutôt des exclamations de dégoût au marquis d’Argenson. Nous nous garderons bien de dissimuler ces ombres. Si l’étude d’un personnage illustre nous attire, c’est par ses rapports avec l’histoire générale, et dans la biographie comme dans l’histoire la justice est la loi souveraine de l’écrivain. Nous ne demanderons pas même si les mœurs de l’époque n’atténuent pas les crimes des Verrès, comme d’Argenson les appelle, si le gouvernement n’était pas au pillage, et si des maréchaux sans cesse attaqués par des cabales puissantes, en lutte avec des princes du sang, n’étaient pas entraînés à s’indemniser eux-mêmes par la prévision de leur chute prochaine. Bien loin d’invoquer ces excuses indignes, nous condamnerons doublement nos héros en leur rappelant les heures de gloire sans tache : à Maurice, gouverneur des Flandres, nous opposerons le vainqueur de Prague ; à Lowendal, déshonorant par des vols effrontés sa prise de Berg-op-Zoom, nous opposerons le vainqueur de Gand.

Gand et Tournay une fois occupés par nos troupes, la première ligne des défenses ennemies était brisée. Grammont, Ninove, Alost, à la seule nouvelle de la prise de Gand, envoient des députés au roi pour faire leur soumission. Une division sous les ordres du marquis de Souvré ayant paru devant Bruges le 18 juillet 1745, les bourgeois s’empressent d’ouvrir les portes. Ce jour-là même, Lowendal commence le siège d’Oudenarde, et le 21, à six heures du soir, le gouverneur est forcé de se rendre. Le 11 août, le duc d’Harcourt ouvre la tranchée devant Dendermonde, et le lendemain la garnison met bas les armes. Ostende, avec une garnison de quatre mille hommes et sans cesse ravitaillée du côté de la mer, essaie en vain de nous arrêter ; Lowendal pousse les travaux avec tant de vigueur que le commandant de la place arbore le drapeau blanc dès la matinée du 23. Rien ne résiste à l’élan de nos soldats, soutenus par un corps de génie que nous envie toute l’Europe. Nieuport, à l’abri de ses écluses qui semblent le rendre inaccessible, tombe aussi, au bout de quelques jours, sous les coups de Lowendal (5 septembre). Nieuport, Ostende, c’étaient les points de communication directe entre l’Angleterre et les Pays-Bas autrichiens ; voilà les chemins rompus, grâce aux victoires du disciple de Maurice, et les Anglais n’ont plus que les ports de Hollande pour pénétrer sur le théâtre de la guerre.