Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/861

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naient-elles se joindre aux désirs d’une vanité personnelle. On commençait à croire, en dehors même des accusateurs intéressés, que le maréchal n’était pas fâché de prolonger la guerre. Ses belles manœuvres, glorifiées par Frédéric le Grand, étaient trop circonspectes au gré de notre impatience ; le roi dut penser que sa présence l’obligerait à livrer bataille, et qu’un succès décisif mettrait fin à la guerre, La bataille fut livrée le 2 juillet 1747, et ce fut un nouveau triomphe pour Maurice. Le soir même, le roi, annonçant l’heureuse nouvelle au dauphin et le chargeant de la transmettre à la dauphine, écrivait : « Dites-lui que notre général n’a jamais été si grand, mais de le gronder, en le complimentant, de s’être exposé comme un grenadier. » Tel en effet s’était montré Maurice, général consommé, intrépide fantassin. Il avait vu, dès le commencement de l’action, que le village de Lawfeld était la clé du champ de bataille, et qu’une fois maître de ce point il était maître de l’ennemi. Le duc de Cumberland, soit qu’il trouvât le village suffisamment fortifié, soit qu’il n’eût pas compris toute l’importance de la position, n’y avait placé qu’un petit nombre de troupes. Averti subitement, il y porte son armée entière au moment même où les premières brigades lancées par le comte de Saxe venaient de s’emparer du village. Les nôtres plient sous le choc. Une nouvelle colonne s’élance, et c’est vainement qu’elle taille l’ennemi en pièces, elle est repoussée à son tour : Anglais, Hessois, Hanovriens, toute une armée, toute une colonne profonde, pressée derrière Lawfeld, répare sans cesse ses premiers rangs à mesure qu’ils tombent sous nos coups. C’est presque la colonne de Fontenoy, plus terrible seulement, car son front est protégé par une forteresse naturelle. Un chemin creux entre des murailles de terre garnies de haies lui fournit un retranchement formidable. Maurice craint un instant que la fortune ne lui échappe : « Eh bien ! dit-il à M. de Valfons, que penses-tu de ceci ? Nous débutons mal ; les ennemis tiennent bon. — Monsieur le maréchal, vous étiez mourant à Fontenoy, vous les avez battus ; convalescent à Raucoux, ils ont été vaincus ; vous vous portez trop bien aujourd’hui pour ne pas les écraser. » Il les écrasa, mais la mêlée fut terrible. Quelle fournaise que ce village ! quelle pluie de fer et de feu ! Par instans le vacarme s’arrête ; plus de canon, plus de mousqueterie ; nos soldats s’élancent la baïonnette au bout du fusil, et l’on n’entend que le bruit de la charge, le choc des hommes, le cliquetis du fer, les cris sourds de ces milliers de poitrines d’où s’exhale le souille de la guerre. Maurice, l’épée en main, s’élance à la tête du régiment du roi, et prend le village de flanc. On pousse, on frappe, on tue. L’exemple des chefs suffit pour entretenir l’élan du soldat. À quoi bon clairons et tambours ? Les