d’hommes publics, — constituans, girondins, montagnards, — que la France, saignée à blanc, est contrainte de produire en trois ans, et dont chacune marque de son nom, d’un caractère différent, les trois grandes étapes de la révolution française. A l’origine, avec les constituans, c’est la période purement libérale, monarchique encore, constitutionnelle, qui s’essaie, qui se personnifie dans ce groupe d’hommes généreux et impuissans apparus au seuil de 1789 comme pour représenter dans sa pureté l’esprit politique et philosophique de la révolution, et cette période semble expirer avec Mirabeau, le dernier athlète capable de faire réussir cet essai, si la fatalité n’eût été plus forte que toutes les combinaisons. Avec l’assemblée législative, où règne la gironde, c’est le mouvement qui se précipite, provoqué par les résistances des uns, poussé par les entraînemens et les illusions des autres, dépassant la monarchie et se rattachant à un idéal de république régulière, organisée, brillante, athénienne. Avec la convention c’est la lutte, non plus entre la monarchie et la république, mais entre les deux partis de la révolution, et bientôt la terreur, la dictature sanglante des montagnards. À ces trois époques ce ne sont pas seulement trois systèmes, trois tendances d’opinions, sans compter le système purement royaliste, ce sont trois natures différentes d’hommes qui éclatent en quelque sorte.
Par l’exaltation de son esprit, par ses instincts républicains, Mme Roland allait au-delà des constituans, des libéraux monarchiques de 89 ; elle se sentait mal à l’aise avec ces hommes qui à ses yeux représentaient encore l’ancienne société française. Elle gourmande dans sa correspondance les lenteurs, les ménagemens de la première assemblée, et cette femme, au fond droite et humaine, a des paroles terribles, sanguinaires sur Louis XVIe et Marie-Antoinette, allant jusqu’à reprocher à la révolution de ne pas « faire le procès de deux têtes illustres. » Malgré de telles fureurs de parole, elle est moralement bien plus séparée encore des montagnards. Entre elle et les démagogues sanglans de la dernière heure, il y a des antipathies de goûts, de nature, de mœurs. Après avoir été assez favorable à Robespierre, elle ne tarde pas à démêler ce faux sourire errant sur des lèvres « contractées par le rire amer de l’envie qui veut paraître dédaigner. » Elle a pour Danton et ses audacieux emportemens un insurmontable dégoût. Par ses instincts et par ses convictions, elle est tout naturellement avec la gironde; elle a l’âme essentiellement girondine. Elle appartient à ce groupe d’orateurs et d’écrivains qui, après avoir précipité la révolution, veulent la fixer, et qui, ne pouvant réussir, meurent avec une imprécation sublime contre les bourreaux.
Comment s’engage ce drame et comment MME Roland se trouve--