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dignation, et l’on a vraiment besoin, pour l’honneur de la conscience et de la raison, de relire les vives et spirituelles réponses de lord Clarendon, qui, laissant à lord Russell le silence officiel d’une présidence dédaigneuse, a du moins vengé, par les traits acérés d’une logique pressante, la justice et la vérité.

Le rôle de notre représentant dans le sein de la conférence serait trop au-dessous du rang qu’il occupe, si ce rôle n’avait été systématique. On a sans doute tenu à marquer qu’on n’assistait que par complaisance à des efforts dont on n’attendait rien. Cette politique d’indifférence apparente a été diversement expliquée; mais la plupart des explications ne sauraient être admises, par exemple celle-ci : « la France ne voulait pas contrarier le vœu des populations allemandes. » Je sais bien qu’il a été dit quelque chose de cela à lord Russell, à M. de Moltke; notre ministre à la conférence en a parlé une fois. Qui a pu voir là néanmoins autre chose qu’un argument de circonstance pour atténuer des concessions pénibles? Pourquoi le vœu des populations allemandes serait-il plus respectable que celui des populations danoises? D’ailleurs qui ne sent que prendre en considération les tendances du germanisme eût été déserter la cause qu’on avait soutenue jusque-là, donner raison à la Prusse contre l’Angleterre et rétracter le traité de 1852? Lorsque dans la conférence M. de Bernstorf eut la hardiesse, le 18 juin, de demander que les habitans du Slesvig fussent consultés, et que le comte Apponyi, comme forcé et contraint, se joignit à ce vœu en laissant douter si c’était au pays ou à ses représentans qu’il voulait qu’on s’adressât, M. de Brunnow eut un mouvement d’émotion bien naturelle, qui se sent à travers la froideur du procès-verbal, en entendant de la bouche des représentans de l’ancienne sainte-alliance cette proposition étrange de consulter les sujets d’un roi dans le dessein de le déposséder. En tout, si pendant ce temps-là la Russie trahissait le Danemark, son ministre n’était pas dans le secret, et il se montrait pour la juste cause sincère et véhément.

On ne doit pas mettre plus d’importance à cette supposition de l’Angleterre, que la France, mécontente de son refus de réclamer avec elle un congrès général, aurait voulu lui rendre la pareille en laissant échouer tous ses efforts et tomber toutes ses propositions. Pense-t-on que notre cabinet oubliât que l’offre d’un congrès général n’avait pour objet que d’attester son désir de tout terminer à l’amiable, sa disposition aux transactions nécessaires, et de dégager sa responsabilité dans les complications à venir, en mettant à la charge des autres états l’opiniâtreté des prétentions absolues. Proposer à ces prétentions de résoudre en commun des questions insolubles dans l’état des intérêts et des esprits, c’était les obliger, les condamner à la mauvaise grâce de refuser, et ce n’est pas le ca-