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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/933

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pouvons toucher que les plus importans; mais au moment où tant de principes que l’on croyait définitivement acquis sont remis en doute, ou même rejetés sans forme de procès, ce qui importe avant tout, je dirais presque ce qui importe uniquement, ce sont les méthodes, et l’application qu’on en fait à la solution des questions premières. Or l’école spiritualiste demeure convaincue que la méthode psychologique est le procédé fondamental (elle ne dit pas le seul) de toute recherche philosophique; en outre elle place au premier rang les questions qui se rapportent aux puissances de l’esprit, à sa nature, à sa distinction d’avec le corps. Au point où en sont les choses, tandis que les uns répètent à satiété qu’ils repoussent ces vues scientifiques comme de pures illusions, il ne suffit pas que d’autres répliquent avec chaleur qu’ils tiennent ces mêmes vues pour incontestablement justes. Ceux-ci doivent redoubler d’efforts afin d’entourer d’évidence ce que leurs adversaires déclarent chimérique parce qu’ils ne savent pas le voir. Est-ce bien là ce que font les penseurs que nous avons nommés? S’ils le font, le font-ils d’une manière originale et forte? ont-ils réussi, comme ils se le persuadent, à renouveler les méthodes philosophiques et à mieux constituer, comme ils y ont visé, la science de l’esprit tant dans l’homme lui-même qu’au-dessus et au-dessous de l’humanité? Voilà ce que nous nous proposons d’examiner. Cet examen sera au surplus une occasion très naturelle de dévoiler la faiblesse, les inconséquences, les aveux même des autres écoles, et de nous assurer par une discussion exempte d’aveugle optimisme que le corps de doctrines auquel l’assaut a été livré en ces derniers temps n’a subi, en fin de compte, aucune sérieuse atteinte. Voyons premièrement où en sont aujourd’hui les questions de méthode.


I.

Comme la solidité d’une science dépend de la puissance et de la certitude de ses procédés d’investigation, le plus infaillible moyen de renverser cette science, c’est d’en ruiner la méthode, si l’on peut. Cela fait, tout s’écroule en un seul bloc. Et pour ruiner une méthode, chacun sait qu’il suffit de démontrer que, dans ses plus savans efforts, elle ne saisit que des fantômes. Qu’il soit une bonne fois avéré que le psychologue appliqué à s’observer intérieurement lui-même se donne à coups d’imagination le plus vain des spectacles et ne tisse laborieusement que de misérables toiles d’araignée, qu’il soit établi que « les objets dont il s’occupe sont en dehors de l’expérience[1], » aussitôt la science de l’esprit s’évanouit

  1. M. Littré, Conservation, Révolution et Positivisme, p. 42.