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Tant de questions urgentes se présentaient alors à la fois, qu’une omission, même aussi fâcheuse, peut être excusée ou du moins expliquée. On revint en 1850 sur le travail des enfans. Le projet de loi élaboré trois ans auparavant par la commission de la chambre des pairs fut soumis d’abord à toutes les chambres consultatives, puis au conseil-général des manufactures, qui l’adopta après un débat où la question du libre échange, incidemment soulevée, jeta beaucoup d’animation. Qui n’aurait cru que la loi de 1833 allait être réformée ? Il n’en fut rien. Le projet de loi adopté par le conseil-général des manufactures resta dans les cartons du ministère.

Il est bien regrettable qu’un projet sorti des délibérations d’une commission de la chambre des pairs, adopté à cette époque par le gouvernement du roi Louis-Philippe, accueilli depuis comme un progrès sérieux et important par toutes les chambres consultatives et par le conseil-général des manufactures, n’ait pas encore été jusqu’ici converti en loi de l’état. Ce retard inexplicable aura cependant pour l’avenir une conséquence heureuse, si le gouvernement, averti par l’exemple de l’Angleterre, consent à modifier le projet de 1847 en un seul point et à faire aujourd’hui ce qu’on eût dû faire le 9 septembre 1848, à réduire par exemple à une durée de six heures par jour le travail des enfans de huit à douze ans. « Si nous méritons un reproche, disait en 1847 le rapporteur de la chambre des pairs, ce n’est pas d’enlever trop de temps au travail et de ne pas assez tenir compte de l’intérêt des fabricans. Au contraire, si quelques personnes avaient le droit de se plaindre de nous, ce seraient les femmes, les filles et les enfans des ouvriers pour la timidité, la retenue que nous apportons à modérer leur travail. Voilà l’exacte vérité. »

Pourquoi persévérerait-on aujourd’hui dans cette timidité excessive ? Les circonstances sont changées, les besoins accrus, l’expérience des pays voisins devenue définitive par une longue durée. La seule objection sérieuse qu’on eût pu faire à la loi de 1841 au nom de l’intérêt manufacturier venait de la complication introduite par les relais d’enfans. Impossible en effet d’engager les enfans pour un tiers de journée ; il fallait donc les diviser en trois bandes, l’une travaillant huit heures de suite avec les mêmes fileurs dès l’ouverture des ateliers et partant quatre heures avant la fin du jour, — une autre ne venant à la fabrique que quatre heures après le travail commencé et restant sans désemparer jusqu’à la fermeture, — la troisième enfin donnant quatre heures au commencement et quatre heures à la fin de la journée, de sorte que chaque rattacheur de cette troisième bande travaillait le même jour avec deux fileurs différens. De là beaucoup de temps perdu, beaucoup