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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/973

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avec la morale, et effacera du code de l’ancienne politique la vieille et haineuse maxime, que le bien de nos voisins est notre mal.

Voilà qui est bien parler et en même temps bien agir ; on ne saurait mettre plus de bonne grâce dans une réparation, ni rompre plus résolument avec des préventions qui sont encore très répandues. Jusqu’ici, les satisfactions données à l’économie politique avaient été purement platoniques ; celle-ci est sérieuse et vaut un engagement. Longtemps proscrite, elle rentre en faveur ; il est à craindre que cette faveur ne l’enivre, et c’est le moment de lui donner des conseils. Peut-être plus tard ne les écouterait-elle plus. Un souhait à lui adresser, c’est que dans la fortune qui lui arrive elle retrouve l’équivalent des hommes qu’elle a formés en des jours moins heureux. En rappelant leurs titres, j’ai voulu remettre sous les yeux de grands exemples. On a vu comment une science se fonde ; il reste à voir comment elle se consolide et acquiert des forces par la durée.


II

La première tâche d’une science est d’arriver, par l’étude des faits ou une conception de l’esprit, à découvrir des lois constantes qui déterminent son action et lui assignent son rang parmi les sciences reconnues. Cette prise de possession n’a lieu qu’à la condition de se définir et de bien fixer son objet. Une fois définie et fixée, toute science nouvelle a encore à se défendre de franchir ses limites sous peine de n’être pas prise au sérieux et de devenir une science de fantaisie au lieu d’être et de rester une science exacte. C’est ce qu’ont fait pour l’économie politique les maîtres qui l’ont constituée : ils visaient moins à étendre son domaine qu’à le circonscrire rigoureusement ; ils n’essayaient pas de sauter au-delà de leur ombre, comme ces enfans dont parle Plutarque. C’eût été un jeu périlleux, surtout au début, et ils le sentaient. Ils aimaient mieux faire bonne garde autour des vérités acquises que de s’attirer des représailles par des usurpations. Cette conduite prudente ne semble guère à l’usage de ceux qui leur ont succédé. C’est à qui sortira de cet ancien domaine si bien déterminé, pour courir les aventures et entreprendre sur le terrain d’autrui. Le goût des usurpations est venu, Sous prétexte d’économie politique, on va d’un pôle à l’autre des connaissances humaines. Il y a certes dans cette manière d’agir plus qu’une faute, il y a un danger réel. Pour peu qu’elle y persiste, l’économie sera accusée de ne pas savoir ce qu’elle est, ce qu’elle veut et où elle va. Elle passera pour une voisine remuante qui, mal à