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mesure où il se serait accru, s’il avait été composé uniquement de métaux précieux. On espérait combattre ainsi la hausse des prix, produire, assurait-on, par une trop forte émission de monnaie de papier, laquelle avait pour conséquence l’exportation du métal et par suite les crises. L’act de 1844 était bien conçu en vue du but qu’on voulait atteindre, qui était de maintenir de plus fortes réserves métalliques ; mais il était insuffisant pour arrêter le retour périodique des crises, puisque dès 1847 il en éclatait une aussi grave au moins que les précédentes, et qui cette fois atteignit la France presqu’aussi rudement que l’Angleterre.

En Angleterre, la période d’expansion et de prospérité croissante commença vers 1843. En 1844, le capital s’accumule et cherche un emploi. L’or afflue à la Banque, son encaisse dépasse 15 millions ; l’escompte officiel est abaissé à 2 1/2, et dans Lombard-street le papier irréprochable est accepté à 2 0/0, à 1 1/2 même, affirme-t-on. Jamais l’intérêt n’était tombé si bas. On voyait approcher le moment où le prêt serait gratuit et ne rapporterait plus aucun avantage au prêteur. Les consolidés montaient d’une manière continue : en 1845, ils atteignirent le pair ; comme en 1825, tous les symptômes d’une surabondance de capital se manifestaient. Dans les canaux de la circulation, il y avait pléthore : il fallait un écoulement à cette richesse qui cherchait un placement. En ce moment, les résultats avantageux que produisait depuis quelque temps l’exploitation des chemins de fer construits dans les dix dernières années commencèrent à fixer l’attention publique. Les faiseurs de projets apparurent ; les compagnies se constituèrent, faisant appel aux capitaux, et ceux-ci répondirent avec empressement. Déjà en 1844 le parlement accorda la concession de 800 milles qui devaient coûter 400 millions de francs ; mais l’année suivante cela dégénéra en fureur, en manie. Les prospectus pullulèrent avec cartes et documens à l’appui ; le nombre des lithographes devint tellement insuffisant qu’on en fit venir d’un coup 400 de Belgique. 678 nouvelles demandes de concession furent soumises au parlement, qui en vota 136. En 1846, on concéda encore 260 nouveaux chemins, et 148 en 1847. L’Economist calcula que la construction des voies votées durant ces quatre dernières années devait entraîner une mise dehors totale d’environ 5 milliards 1/2 de francs et un versement annuel de près de 900 millions. Sur tous ces nouveau, titres, la spéculation était active ; on se les arrachait, et les primes s’élevaient en conséquence. Comme on estimait alors l’épargne annuelle de l’Angleterre à 1 milliard de francs, elle aurait pu à la rigueur faire face à l’énorme dépense qu’exigeait la construction de son propre réseau ; mais en même temps les capitalistes anglais souscrivirent pour de fortes sommes aux chemins du continent, notamment à ceux de la Belgique et de