Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et au Muséum, se cachait volontiers sous ce nom d’emprunt pour chanter, quelquefois dans le patois gracieux de son pays, le Noyer de Maguelonne ou les Jujubes de Montpellier. C’est sous ce même nom de Frédoque nous le retrouvons dans son dernier ouvrage, étude pleine de vie et de force, semée de traits originaux, souvent familiers, et que l’on ne dirait pas suspendue par la mort. Ici comme dans le Ciel, tout indique une science de bon aloi, tout est marqué au coin de la vérité. Comme dans le Ciel aussi, des gravures coloriées initient le lecteur aux merveilles décrites dans le texte. C’est une succession de beaux dessins se déroulant dans les pages du livre comme les parois transparentes d’un aquarium. L’illusion est complète, on assiste à la vie des eaux, on voit se développer sous ses yeux des plantes et des animaux qu’on avait jusqu’alors à peine soupçonnés ; on en rencontre d’absolument inconnus, on en retrouve enfin qu’on croyait bien connaître, mais sur lesquels on est étonné d’avoir su jusqu’alors si peu de chose. Moquin-Tandon a fait son livre en maître, en homme qui possède son sujet, et il nous promène tour à tour des plantes marines et des animaux infusoires aux polypiers et aux rayonnes, le corail, les éponges, les méduses, les étoiles de mer, les oursins ; puis défilent à nos regards, avec leurs mœurs, leurs ruses, leur vie propre, toute la gent coquillière des mollusques, puis encore les crustacés et les poissons, les tortues et les oiseaux marins, enfin les gigantesques cétacés et les phoques, et jusqu’à l’ours blanc des pôles cantonné dans les mers de glace. N’est-ce pas là un spectacle aux cent actes divers, et n’est-ce pas le cas de répéter, après avoir lu ce beau livre, ces paroles émues de Christophe Colomb justement rappelées par l’auteur, que la bouche ne suffit pas à dire ni la main à écrire toutes les merveilles de la mer, la lengua no basta para decir ni la mano para escribir todas las maravillas del mar ?

Si maintenant nous baissons d’un ton, nous passerons du Monde de la Mer, qui nous a tenu dans les régions sereines de la science, au Monde des Insectes, œuvre d’un esprit un peu léger, souvent trop superficiel, mêlée cependant de traits agréables. Ici la science affecte des dehors plaisans, on en cause entre amis en parlant aussi d’autre chose, de omni re scibili et quibusdam aliis. Cela frise par instans le conte de fée, parfois aussi le roman. Au demeurant, le livre n’a nulle prétention, nulle portée scientifique ; mais il fait aimer la science, et les esprits auxquels ne confient pas une nourriture trop substantielle pourront y trouver quelque plaisir, et même quelque profit.

Les deux ouvrages dont il nous reste à parler rentrent au contraire, comme les premiers, dans le domaine scientifique, sans cesser d’être à la portée de tous. Tous deux traitent de botanique. L’un, l’Histoire des Plantes de M. Figuier, se présente avec les qualités et les défauts que nous avons déjà relevés chez l’auteur. Disons toutefois que ces défauts se font moins sentir ici que dans de précédens ouvrages, et que ce livre, bien que n’étant qu’une compilation, ne présente pas trace de ces erreurs si graves