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non-seulement à la jeunesse, aux gens du monde, mais encore à la vraie science, tous ces livres de science populaire que chaque année voit naître et souvent la même année mourir ? Nous croyons que le principe est bon, que ce n’est pas perdre son temps que de vulgariser la vérité, d’initier le public aux grandes découvertes, aux nobles études de notre époque. Par là on prépare les jeunes esprits aux carrières utiles, on propage parmi les gens du monde des connaissances devenues de plus en plus indispensables dans la vie de chaque jour. On vient en aide aux savans eux-mêmes en popularisant leurs belles découvertes., en en faisant comprendre la portée, les applications et souvent le sens philosophique ; mais pour que le bien se fasse comme il convient, pour que la vulgarisation soit profitable, il faut qu’elle ne soit pas entachée d’erreur, que le bon grain ne soit pas mêlé d’ivraie.

Sous ce rapport, qu’il nous soit permis de dire que l’esprit d’examen et de critique n’a pas toujours présidé à la préparation des ouvrages de science populaire dont nous venons de parler, qu’il y a dans quelques-uns d’entre eux ou des compilations trop hâtives ou des chapitres écrits trop légèrement. Nous les avons examinés chacun en détail, c’est au lecteur de se reporter à ce que nous avons dit au sujet de chacun d’eux pour voir sur qui tombe l’éloge et sur qui tombe le blâme. Au demeurant, l’intention des auteurs a été bonne toujours, et il faut faire des vœux pour que le flambeau de la science brille ainsi chez nous chaque année d’un éclat de plus en plus vif.

N’oublions pas néanmoins que la critique, tout en faisant bon accueil à certaines tentatives de vulgarisation, doit se montrer à l’occasion vigilante et sévère. On ne s’improvise pas vulgarisateur scientifique, et pour vulgariser avec avantage il faut d’abord bien savoir soi-même. Ce qui a fait le mérite de quelques auteurs exceptionnels que nous avons cités, Buffon, Arago, Humboldt, c’est qu’ils étaient eux-mêmes des savans accomplis, bien plus ils étaient aussi des écrivains. Sans doute nous ne demandons pas à nos vulgarisateurs populaires les qualités de ces hommes de génie, mais nous leur demandons, à quelques-uns du moins, plus de calme, plus de vrai savoir dans leurs productions, parfois si nombreuses. Il vaut mieux se taire que d’écrire à contre-sens, que de répandre dans le public des faits souvent entachés d’erreurs ou mal présentés. Le public ne peut comprendre ce que l’auteur ne comprend pas lui-même, et des deux côtés il en résulte une demi-savoir pire que la plus profonde ignorance. On ne transige pas du reste avec les vérités scientifiques. Voilà pourquoi le droit, disons mieux, le devoir de la critique est de se montrer justement sévère et de tenir le public en garde contre les faux vulgarisateurs.


L. SIMONIN



V. de Mars.