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aux faibles oscillations causées par la chaleur du soleil ou les météores de l’atmosphère ; mais ces changemens de niveau n’en sont pas moins des phénomènes locaux, et bien qu’ils se rattachent sans doute au même ordre de faits que les élévations et les dépressions lentes, il faut les distinguer nettement des mouvemens séculaires qui font ployer l’écorce du globe sous des continens entiers. Comme exemple de ces ondulations locales, qui sont de simples accidens dans l’histoire de la planète, on peut citer celle que le tremblement de la Concepcion fit éprouver temporairement en février 1835 à l’île Santa-Maria et à la côte opposée du continent chilien. Le rivage le plus rapproché de la ville avait été soulevé verticalement d’un mètre et demi, tandis que l’île, déracinée pour ainsi dire par la violence du choc souterrain, s’était exhaussée obliquement de 2 mètres et demi à sa pointe méridionale et de 3 mètres à l’extrémité du nord. Deux mois après, la plage de la Conception se trouvait à 60 centimètres à peine au-dessus de son ancien niveau, et l’île s’était abaissée en proportion. Enfin, vers le milieu de l’année, toute trace de soulèvement avait disparu, et l’eau de la mer venait affleurer exactement la ligne sinueuse de débris qu’elle baignait avant la catastrophe. Les fameuses colonnes du temple de Sérapis, qui se dressent au bord de la Méditerranée, non loin de Pouzzoles, portent également sur leurs fûts de marbre blanc les preuves d’oscillations purement locales.

Sur toutes les côtes où les amas de coquilles modernes laissés à sec et les gradins creusés à différentes hauteurs dans les parois des falaises fournissent le témoignage irréfragable d’un soulèvement progressif du sol, c’est évidemment par des mesures directes et par des comparaisons de niveau effectuées à des intervalles plus ou moins longs que les savans doivent étudier la marche du phénomène. Depuis plus de cent trente ans déjà, le Suédois Celsius a eu l’idée de recourir à ces moyens, non pas dans l’intention de constater la croissance de la péninsule Scandinave, croissance qui ne lui semblait point probable, mais afin de démontrer le changement de niveau présumé des eaux de la mer Baltique. Il savait, d’après le témoignage unanime des paysans du littoral, que le golfe de Bothnie diminue sans cesse en profondeur et en étendue ; les vieillards lui montraient les divers points de la côte où la mer venait affleurer pendant leur enfance, et signalaient en outre les anciennes lignes de niveau que les flots avaient tracées jadis dans l’intérieur des terres ; d’ailleurs, les noms de lieux, la position plus ou moins continentale d’édifices construits autrefois sur le rivage, enfin les monumens écrits et les chants populaires ne pouvaient laisser aucun doute sur la retraite des eaux marines. À cette époque, où les