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troduire une surveillance jusqu’au sein de la famille. A la bonne heure. Un atelier de dix-neuf personnes, est-ce une famille? Un atelier de quinze, de dix personnes, est-ce une famille? Est-il donc si difficile d’écrire dans la loi qu’un atelier composé du père et de ses enfans ne peut pas être surveillé? Que restera-t-il de l’objection, une fois cette restriction faite? Une telle restriction n’est-elle pas plus raisonnable, plus rassurante et aussi précise que cette limite de vingt ouvriers Introduite sans raison appréciable dans la loi de 1841? On n’aura pas même besoin de constater l’absence d’un étranger; cette constatation est toute faite par la loi sur les patentes. Il n’y a donc aucune difficulté, et il y a urgence. Ou supprimons la loi de 1841, ou rendons-la générale; ou déclarons une bonne fois qu’il est loisible à tout le monde de faire travailler un petit enfant dès qu’il est en âge de se tenir debout, et de le faire travailler chaque jour jusqu’à ce qu’il tombe en défaillance, ou, si nous croyons avoir le droit d’intervenir pour quelques milliers d’enfans au nom de l’humanité et de la morale, intervenons pour tous. C’est déjà trop que cette distinction inconcevable et injustifiable ait duré sans protestation pendant près de vingt-cinq ans. C’est trop pour notre honneur. Les Anglais ont eu plus d’entrailles.

Il est bien vrai qu’on a fait en 1851 une loi sur le contrat d’apprentissage en faveur des enfans employés dans la petite industrie; mais cette loi, qui est un progrès, bien qu’elle soit, comme la loi de 1841, fort incomplète, diffère surtout de la première en ce qu’elle offre sa protection sans l’imposer. Elle régit les contrats en laissant tout le monde libre de n’en pas faire; elle protège seulement ceux qui réclament sa protection. Un enfant entre-t-il dans la grande industrie, la loi de 1841 exige qu’il soit âgé de huit ans au moins, qu’il ne travaille pas plus de huit heures par jour, et qu’il fréquente assidûment une école. Entre-t-il dans la petite industrie, il échappe à la loi de 1841 et à toute autre loi spéciale. Il ne profite des stipulations de la loi de 1851 que s’il prend la qualité d’apprenti, et il est parfaitement libre de ne pas la prendre.

Nous ne demandons pas qu’on enlève à la loi de 1851 son caractère facultatif; il n’y a pas de raison suffisante pour forcer tous les jeunes travailleurs à souscrire un contrat régulier d’apprentissage; mais, si nous analysons cette loi, nous verrons qu’elle contient deux parties fort distinctes. La première partie limite pour chaque jour la durée du travail suivant les âges; elle oblige tous les patrons à laisser prendre aux enfans, sur la journée de travail, le temps nécessaire à leur instruction jusqu’à concurrence de deux heures. La seconde partie règle tout ce qui est relatif à l’enseignement de la profession. A le bien prendre, c’est cette seconde partie, et elle