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seule, qui traite du contrat d’apprentissage; c’est celle-là seule qui devrait être facultative. La première partie au contraire devrait s’étendre à tous les enfans, qu’ils soient apprentis ou non. Ce n’est pas parce qu’un enfant devient apprenti qu’il a besoin d’être ménagé et d’apprendre à lire, c’est parce qu’il est un enfant, et parce qu’il sera un homme. On a donc eu tort de confondre en une seule loi deux législations dont l’une est impérative et devrait être générale, tandis que l’autre est et doit demeurer facultative. Cette distinction est certainement très importante, et c’est pour l’avoir négligée qu’on a laissé un si grand nombre d’enfans en dehors des prescriptions de la loi.

La législation française était, avant la révolution, un véritable chaos. Refondre toutes les lois d’après un système unique, les faire entrer dans une codification régulière, de manière à éviter les contradictions et les doubles emplois, et à rendre l’étude de la jurisprudence relativement facile, était une idée à la fois simple et profonde. Nous avons raison d’en être fiers pour notre pays; mais comme il n’y a d’immuable dans la législation que la morale, et que la loi écrite est heureusement progressive, nous retomberons bien vite dans l’ancienne confusion, si nous faisons des lois nouvelles sans avoir le soin de réformer en même temps les lois anciennes qui traitent de la même matière ou de matières analogues. Par exemple, comment se fait-il qu’on ait promulgué en 1851 une loi sur le contrat d’apprentissage, et qu’on n’ait pas même eu l’idée de réformer la loi de 1841 sur le travail des enfans dans les manufactures? Il n’y a qu’à comparer ces deux lois, destinées l’une à réglementer la grande industrie, et l’autre à réglementer une portion restreinte de la petite industrie, pour voir que, quand elles se rencontrent, elles se contredisent.

Ainsi les enfans ne peuvent être admis dans la grande industrie avant huit ans, mais ils peuvent entrer à tout âge dans les ateliers de la petite industrie. — Dans la grande industrie, un enfant âgé de moins de douze ans ne peut être employé que huit heures sur vingt-quatre, divisées par un repos. Dans la petite industrie, les enfans au-dessous de quatorze ans, quel que soit leur âge, peuvent être employés dix heures par jour. — Dans la grande industrie, tout enfant au-dessous de douze ans est tenu de suivre une école; les enfans au-dessus de cet âge n’en sont dispensés que quand un certificat donné par le maire de leur résidence atteste qu’ils ont reçu l’instruction primaire élémentaire; les chefs d’établissement sont obligés d’y tenir la main sous leur responsabilité personnelle. Dans le système de la loi de 1851, si l’apprenti âgé de moins de seize ans ne sait pas lire, écrire et compter, le maître doit lui