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Lyon. Au lieu de laisser tomber cette excellente organisation, comme on a eu le tort de le faire dans ces dernières années, ou de la remplacer par des collèges industriels, au grand détriment des études et sans avantage pour personne, on rendrait un grand service au pays, particulièrement aux familles d’ouvriers, en reprenant l’œuvre de 1833, et en multipliant dans Paris et dans toute la France les écoles primaires supérieures. Nous affirmons sans crainte que, si on ouvrait demain une école Turgot dans chacun des arrondissemens de Paris, il n’y aurait pas au bout de trois mois, dans une seule de ces écoles, une seule place vacante. Notez bien cependant qu’on n’apprend pas, dans ces utiles et nécessaires établissemens, à être tourneur, mécanicien, fileur, tisseur, ébéniste. On apprend ce qu’il faut savoir pour être un homme distingué dans sa profession, et-même dans toute profession: mais on n’y apprend pas sa profession. Un ouvrier sorti de l’école Turgot a toutes chances de devenir contre-maître, et même patron. Les premiers élèves trouvent à se placer d’emblée comme chefs d’atelier. Quelques-uns entrent dans les écoles spéciales d’Angers ou de Châlons, ou même à l’École centrale, ce qui en fait des ingénieurs. Une bonne éducation mène à tout. On peut voir dans le musée industriel de La Martinière, inscrits sur un tableau d’honneur, les noms de ceux de ses élèves qui sont arrivés jusqu’à l’École polytechnique. Ce qu’il y a d’excellent dans ces écoles, c’est qu’elles secondent l’ambition, quand elle est légitime, sans jamais la surexciter.

L’école d’apprentissage est toute autre chose que l’école professionnelle. L’école d’apprentissage est celle où l’on apprend un métier. Il y en a quelques-unes en France. La loi du 7 octobre 1848 avait organisé des écoles d’apprentissage pour l’agriculture. L’école des mousses, à Marseille, est une école d’apprentissage pour la marine. L’horlogerie a ses écoles spéciales à Cluzes, à Besançon: on s’occupe d’en fonder une à Paris. Mulhouse élève en ce moment même une admirable école de tissage. Les écoles d’arts et métiers de Châlons, d’Angers, d’Aix, peuvent être, à la rigueur, considérées comme des écoles d’apprentissage, puisqu’on y apprend à fond, théoriquement et pratiquement, l’un des métiers suivans : forgeron, fondeur, ajusteur, serrurier, tourneur sur métaux et menuisier. Déjà pourtant ces écoles s’élèvent au-dessus de l’apprentissage proprement dit; elles ne forment que des ouvriers d’élite ou des chefs-ouvriers, et pour y être admis il faut avoir fait un an d’apprentissage dans un atelier, et en apporter le certificat. Nous ne parlons que pour mémoire des écoles vétérinaires, des écoles de mineurs, des écoles d’hydrographie, etc., puisqu’il ne s’agit ici que des ouvriers et des arts mécaniques.