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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/747

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VERONICA SILVESTRIS



I. — SOUS LES CHÊNES.


Véroniques des bois, vous qui savez guérir,
Salut ! — Je ne viens pas vous cueillir sous le chêne,
Ni chercher dans vos fleurs un remède à ma peine ;
Le. mal dont j’ai souffert, j’en veux toujours souffrir.

Même dans ses excès ma peine a ses délices.
Et je renferme en moi mes sanglots défendus,
Comme vous enfermez au fond de vos calices
Les pleurs que la rosée à l’aube a répandus.

Qui voudrait te guérir, immortelle douleur ?
Tu fais la trame même et le fond de la vie.
S’il se mêle aux jours noirs quelques jours de bonheur,
Comme des grains épars, c’est ton fil qui les lie…

Vous ne l’ignorez pas, véroniques des bois !
Bien des fois vous avez contemplé sous les traînes
Le cortège navrant des tristesses humaines,
Et ses pleurs ont baigné vos épis bien des fois.

Près du hêtre croulant au choc de la cognée.
Vous avez vu tomber le bûcheron meurtri ;
Vous avez vu marcher la pauvresse inclinée
Sous le fagot trop lourd pour son corps amaigri ;

Dans l’agreste chemin qui mène au cimetière.
Vous avez vu passer le convoi de l’enfant
Qui jouait, hier encor, rose et l’œil triomphant,
Et qui gît, froid cadavre, en son étroite bière ;