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Les Anglais ont pendant des siècles ignoré leurs richesses ou ne les ont exploitées qu’avec négligence. Que leur a-t-il donc manqué pour qu’il en fût tout autrement? Le combustible. On a commencé par fondre le fer avec du charbon de bois. Il fallait alors que l’usine s’élevât dans le voisinage d’une forêt, et encore les arbres de cette forêt elle-même ne tardaient point à disparaître. C’est ainsi que dans le Kent, le Surrey et l’Essex, — autant de comtés qui étaient à l’origine le centre de l’industrie du fer, — la hache fit le vide pendant des siècles parmi les hautes futaies. Si l’Angleterre est aujourd’hui un pays très peu boisé, ce fait s’explique en grande partie par la consommation formidable des anciennes forges. Une telle destruction des forêts ne tarda guère à exciter les alarmes du gouvernement. Au XVIe siècle, les voraces travaux de fer, voracious iron-works, — ainsi que les appelle un auteur du temps, — étaient déjà désignés comme une calamité publique. La population avait besoin de bois pour se chauffer, l’état avait besoin de grands arbres pour sa marine, et les fonderies menaçaient de tarir dans les deux cas les sources de l’approvisionnement britannique. Aussi Elisabeth, dans la première année de son règne, promulgua-t-elle un édit défendant d’abattre les chênes, les frênes et les hêtres d’une certaine grosseur sur un rayon de quatorze milles autour de la mer ou sur le bord des rivières importantes. Cette restriction, qui fut suivie de lois encore plus rigoureuses, porta un coup mortel aux maîtres de forges. Plusieurs d’entre eux furent contraints d’éteindre leurs fourneaux et de dessécher l’étang de leur usine, qui se couvrit bientôt de saules et de houblons. L’industrie anglaise du fer était donc frappée dans sa racine, si le génie humain ne fût venu à son secours et n’eût dérobé à la nature d’autres moyens pour dompter le minerai. Au moment où le bois commençait à disparaître, le charbon de terre vint le remplacer.

Cette substitution du combustible minéral au charbon de bois fut pourtant une œuvre lente et laborieuse. Un Allemand, nommé Simon Sturtevant, s’engagea le premier dans la voie du progrès; la théorie était excellente, mais la pratique ne répondit point à son attente, et il succomba. Après d’autres essais infructueux, un Anglais, Dud Dudley, fils naturel de lord Dudley, fut envoyé en 1619, au sortir du collège, dans le Worcestershire pour y surveiller une usine appartenant à son père, et consistant en une fournaise et deux forges chauffées au charbon de bois. Là, comme sur d’autres points de la Grande-Bretagne, des forêts entières avaient fondu en se tordant dans le brasier; le bois commençait donc à devenir rare, tandis que le charbon de terre abondait pour ainsi dire jusque sous la bouche des fourneaux. C’est alors que Dud Dudley conçut l’idée d’utiliser