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ce dernier combustible. Après diverses expériences, il parvint à traiter le fer par l’intervention de la houille : ce fer, il nous l’apprend lui-même, était de bonne qualité; mais la quantité ne s’élevait pas à plus de trois tonnes par semaine. Cependant la tentative donnait déjà des profits, et Dud écrivit à son père pour lui annoncer à quel point il avait réussi. Lord Dudley obtint du roi pour trente et un ans, et en son nom, un brevet d’invention qui porte la date de 1620. Touchait-on enfin à la grande révolution métallurgique, source de si prodigieuses conquêtes industrielles pour l’Angleterre? Il serait bien permis de le croire, mais par malheur il n’en fut point ainsi. L’année suivante, une désastreuse inondation ruinait les propriétaires de l’usine et emportait avec elle les germes du succès. Cette découverte, il faut le dire, n’avait d’ailleurs été appréciée ni par les maîtres de forges ni par les ouvriers. Dud Dudley mourut sans avoir légué son secret à personne, et après lui le bois continua d’alimenter les fournaises. Le mal, c’est-à-dire la destruction des anciennes forêts, s’aggravait donc de jour en jour, et pourtant le remède était trouvé.

C’est à Abraham Darby, un quaker, qu’il était réservé d’introduire de nouveaux progrès dans l’industrie du fer telle qu’elle se pratiquait alors de l’autre côté du détroit. De son temps, les principaux ustensiles de cuisine pour les classes pauvres se coulaient en fonte, et encore les meilleurs étaient-ils importés de Hollande. Il résolut de se rendre dans ce dernier pays et de voir par lui-même comment il se faisait que les poteries de fer hollandaises étaient si bonnes, tandis que celles de la Grande-Bretagne étaient si mauvaises. Après avoir étudié sur les lieux et avoir reconnu que la différence tenait surtout à la nature des moules, il revint en Angleterre, où il appliqua avec beaucoup de succès le procédé étranger. Il fut d’ailleurs aidé dans ses recherches par un auxiliaire que lui amena le hasard. Un jour de pluie et de neige fondue, un jeune berger du pays de Galles, nommé John Thomas, traversait à la nage une rivière pour ramener dans les étables un troupeau de moutons appartenant à son maître et qui s’était égaré dans les montagnes. Il parvint à réunir les pauvres bêtes, tremblantes et trempées jusqu’aux os sous leur manteau de laine, puis les poussa vers le gué de la rivière, qui était devenue sur ces entrefaites un torrent redoutable. Monté sur le dos d’un bœuf, il fendit les eaux courroucées et ramena tout le troupeau sain et sauf dans la bergerie. Son maître récompensa cet acte de courage en lui donnant quatre moutons. John Thomas vendit leur laine pour s’acheter des habits, puis il vendit les moutons eux-mêmes, afin de se rendre à Bristol et d’y chercher fortune. Comme c’était alors le temps des guerres de Marlbo-