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rough, il craignit d’être enrôlé de force par les officiers de la reine Anne, s’il continuait à rester dans la ville sans rien faire. Il entra donc en qualité d’apprenti dans une fonderie de métaux, Baptist mills, où se trouvait alors Abraham Darby. Là, il assista aux expériences de ce dernier pour couler des articles de fonte. Un jour que les ouvriers hollandais amenés par Darby en Angleterre n’avaient point été heureux dans leurs efforts, John Thomas dit « qu’il croyait savoir par où l’opération avait manqué.» Il demanda donc à faire lui-même un essai, et passa toute la nuit seul dans l’atelier avec Abraham Darby. Avant le matin, ils avaient réussi à couler un pot de fer qui ne laissait plus rien à désirer. L’apprenti entra dès lors au service d’Abraham Darby et jura de garder le secret. Plus tard, il résista aux offres d’argent qu’on lui fit pour quitter son maître, et se montra même fidèle à la veuve et aux enfans de celui-ci dans leurs mauvais jours. De 1709 à 1828, la famille des Thomas fut attachée aux descendans d’Abraham Darby. Quant à ce dernier, ses associés de Baptist mills trouvèrent qu’il avait perdu l’esprit et qu’il prodiguait l’argent à des expériences inutiles. L’acte de partnership étant rompu, Darby alla s’établir, accompagné de John Thomas, dans la vallée de Colebrookdale, qui se déroule entre des collines rocheuses à partir d’une gorge assez profonde formée par le Severn. C’était alors un lieu sauvage et pittoresque. Abraham y fit construire une fournaise qui devint le noyau de ces grands travaux de fer visités aujourd’hui par tant de curieux. La paisible vallée s’est changée en un pandémonium de feux visibles à plusieurs milles de distance pendant la nuit.

La lutte entre le charbon de terre et le charbon de bois touchait d’ailleurs à une solution définitive. Ce ne fut pourtant, on a lieu de le croire, qu’après la mort d’Abraham Darby que l’usage de la houille devint général dans les fonderies de fer britanniques. Cette nouvelle méthode fut toute une révolution : le métal qui dormait jusque-là dans les mines, faute d’un combustible propre à le réduire, fut exploité avec une énergie toujours croissante. Il faut en effet ces deux conditions pour obtenir du fer en grande quantité, — du minerai et de la houille, — et c’est parce que l’Angleterre réunit l’une et l’autre qu’elle marche à la tête des nations productrices de métaux. D’après une statistique publiée par M. Robert Hunt, archiviste du Practical Geology Museum la Grande-Bretagne a extrait en 1863 80 millions de tonnes de charbon et 8 millions de tonnes de fer, dont à peu près la moitié a été convertie en fonte, pig iron[1].

  1. Ceux qui voudraient connaître plus en détail ce que nos voisins appellent l’histoire du fer consulteront utilement Percy’s Metallurgy of iron et le dernier ouvrage de M. Smiles, Industrial Biography.