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indépendant d’eux, portant une barre à mine, se mouvait, non par la vapeur, mais par l’air, que raréfiait et comprimait tour à tour le jeu du second piston dans le second cylindre, appelé pour cette raison pneumatique. Il n’est pas besoin d’être mécanicien pour comprendre la nécessité d’isoler le piston perforateur des deux premiers par l’interposition d’un matelas élastique d’air comprimé, car, sans l’intervention de ce nouvel agent, chaque coup sûr la roche aurait détraqué pistons et cylindres et ébranlé la machine tout entière. Rien de plus simple que le jeu du perforateur : le mouvement en avant s’accomplissait par la pression de l’air sur la section postérieure; le coup frappé, l’air s’échappait par une lumière habilement ménagée, et le retour du piston pneumatique, pompant l’air derrière le perforateur, le ramenait brusquement sous la pression de l’air atmosphérique extérieur.

La rapidité de ce double mouvement était vraiment merveilleuse. La barre à mine frappait jusqu’à trois cents coups par minute et forait toute espèce de roche vingt fois plus vite que par le travail ordinaire. Outre la course rectiligne de va-et-vient, le fer tournant sur lui-même imitait parfaitement le coup de main du mineur faisant tourner sa barre dans la mine, mais avec une rapidité infiniment plus grande. Cette machine sortit triomphante des expériences de Chambéry et de la Coscia, près de Gênes : elle y dévora avec une rapidité extraordinaire les roches les plus résistantes des Alpes. Après ces expériences, il sembla que le problème de la perforation mécanique était enfin résolu. Il l’était en effet, mais seulement pour les mines à ciel ouvert et pour les tunnels ordinaires, où l’on ne manque pas d’air; mais pour le tunnel des Alpes la machine Bartlett devenait complètement impuissante malgré la perfection du travail mécanique. Comment introduire un foyer de chaleur et de fumée tel que celui d’une machine à vapeur dans la profondeur des Alpes, où la grande question est d’avoir la quantité nécessaire d’air vital? C’est à trouver cette quantité nécessaire que l’esprit d’invention dut appliquer ses efforts.

Le premier qui eut l’idée de substituer la force motrice de l’air à celle de la vapeur est un physicien de Genève, M. Daniel Colladon. En même temps que M. Bartlett, il prit un brevet d’invention du gouvernement sarde pour sa méthode de miner les galeries par l’emploi de l’air comprimé. Sa théorie était parfaitement rationnelle, mais il n’indiqua aucun moyen pratique d’amener l’air à la pression dynamique pour agir sur un piston en place de la vapeur. La découverte de ce moyen pratique, économique, était réservée à un Savoyard dont le nom se place désormais à côté de ceux des plus célèbres inventeurs, à M. Sommeiller. Je voudrais, dans ces ques-