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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/910

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tions d’invention, rendre à chacun ce qui lui appartient. Ce n’est pas M. Sommeiller qui a eu le premier l’idée de l’air comprimé : cette idée date de plus de deux mille ans. Elle a pu venir à l’esprit du premier homme qui a observé la source intermittente. Ce phénomène curieux, si fréquent dans nos Alpes, attribué jadis à des causes mystérieuses qui ont exercé longtemps l’imagination naïve de nos pères, est dû simplement à l’air chassé par l’eau dans les fissures de la montagne et comprimé dans un réduit caché, dont l’air et l’eau se disputent alternativement l’unique issue. Là se livre un combat singulier, une lutte corps à corps entre la force élastique de l’air et la pression de l’eau, tour à tour victorieuses et tour à tour épuisées par leur propre victoire. Un physicien d’Alexandrie, Héron, après avoir sans doute observé ce combat, l’a transformé par un trait de génie en empêchant l’air d’obtenir son tour de victoire. Dans la fontaine qui porte son nom, l’air est constamment vaincu et comprimé dans une chambre sans issue pour lui ; mais, pareil à ces nations qui ne sont jamais plus élastiques qu’alors qu’elles sont le plus opprimées, bandé comme un ressort par la pression de son adversaire liquide, il réagit sans trêve contre lui et le fait remonter en colonne serrée ou fuir en jet continu. Tel est le principe exposé par Héron dans ses Pneumatica, appliqué dans sa fontaine depuis deux mille ans, et devenu par des essais nouveaux la base de la plupart des machines modernes comme de nos vulgaires pompes à incendie, toutes destinées à faire remonter l’eau et à la lancer vivement au moyen d’un ressort ou matelas élastique d’air comprimé. Par une autre transformation du théâtre de la lutte, qui fut également un trait de génie dont on ignore l’auteur, on a ouvert à l’air une issue normale par laquelle il pût fuir précipitamment sous la pression furieuse de l’eau, et cette transformation nouvelle est devenue le principe de la construction de ces modestes souffleries à trompe employées dès le moyen âge par l’industrie métallurgique des pays de montagne. Restait une troisième transformation du combat primitif de la source intermittente : c’était d’enlever l’air comprimé aux étreintes de son adversaire, et de le faire s’engouffrer comme un ouragan dans un grand réservoir où il s’amassât dans toute sa tension et son élasticité au fur et à mesure du travail de la compression. Telle fut l’œuvre de M. Sommeiller et de ses deux amis, MM. Grandis et Grattoni.

On aime à remonter aux origines des grandes idées et des grandes inventions qui marquent dans le monde. On voudrait assister au travail intérieur, aux combinaisons, aux efforts, aux douleurs et aux joies de l’esprit qui les a conçues et enfantées. Ici, cette recherche nous est interdite, du moins pour le moment. Le système qui com-