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de Yédo reçut aussitôt avis du résultat de ces conférences des ministres ; on verra le compte qu’il en tint.


III

Le 6 août 1863, le vice-amiral Kuper appareilla de la baie de Yokohama avec la frégate à hélice l’Euryalus, les corvettes le Perseus, la Pearl et l’Argus, les canonnières Coquette, Race-Horse et Havoc, en tout sept bâtimens portant quatre-vingt-neuf canons. À bord de l’Euryalus se trouvait le chargé d’affaires britannique, le colonel Neal, avec sa suite. La division se dirigea à la voile, à sa sortie du golfe de Yédo, sur le détroit de Van-Diémen, au nord duquel s’élève Kagosima[1], cité populeuse et manufacturière, qui appartient au prince de Satzouma. Chacun pensait à bord de l’escadre que l’expédition se bornerait à une simple promenade, et que l’aspect seul des canons anglais aurait raison de l’arrogant daïmio. L’amiral arriva le 11 août dans l’après-midi à l’entrée de la baie de Kagosima, et mouilla le soir près des rochers des Sept-Iles. Le 12, à sept heures du mâtin, il s’engageait plus avant, précédé de petits bâtimens sondeurs.

Kagosima est située au fond d’une baie, sur la rive occidentale, en face de la grande île montagneuse de Sakoura-sima, qui laisse entre elle et la terre ferme un canal long de 5 à 6 kilomètres et de largeur variable ; des îlots et des récifs surgissent de la mer à l’entrée du canal, et deux passes s’ouvrent aux navires qui viennent du large. Les Anglais prirent celle qui longeait la ville. Les deux rives et les îlots leur apparurent armés de batteries. Le plus grand nombre défendait la ville même, devant le front de laquelle on les avait disposées presque sans intervalle ; les palissades d’un camp étaient dressées sur les hauteurs. Autour des pièces, des soldats se tenaient en grand nombre, agitant leurs éventails et suivant de l’œil les navires ; à leur nombre, à leurs mouvemens, ils semblaient prêts à ouvrir le feu de toutes parts au premier signal. À sept ou huit milles au fond du golfe, près d’un point du rivage dépourvu de toutes défenses, se tenaient trois vapeurs du prince de Satzouma. Malgré cette attitude menaçante, l’amiral Kuper vint mouiller devant la ville avec sa division, à environ cinq encablures (1,000 mètres) des batteries les plus proches. L’énorme profondeur de l’eau dans toute la baie rendait fort difficile le choix d’un bon mouillage ; peut-être aussi les Anglais voulaient-ils, par cette preuve de confiance, témoigner de leur désir d’arriver à une solution pacifique.

  1. C’est à Kagosima que se fabriquent les porcelaines les plus estimées du Japon. On évalue la population de cette ville à cent quatre-vingt mille âmes.