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qu’on retire les madriers dès qu’on craint une incursion ; c’est pour cela que le Janicule, la colline la plus voisine du Tibre, est fortifiée contre les Étrusques. On ne continue pas moins à employer les architectes et les ouvriers toscans, et l’on construit cette belle citerne voûtée qui protégeait la source jaillissant au pied du Capitole. L’orifice de la citerne était enveloppé lui-même par une construction à fleur de sol, d’appareil étrusque, aussi bien que la voûte. Plus tard, la source fut détournée, et la citerne vide devint la prison Mamertine, qui est demeurée immuable et qu’on montre à l’admiration des voyageurs. Si la tradition n’y avait point consacré le souvenir de saint Pierre captif, on enlèverait le dallage plus récent qui est surhaussé, et l’on ferait reparaître l’eau, qui se perd dans les terrains et qu’on voit sourdre à travers les fissures des dalles.

Les travaux prirent un plus large essor lorsque Rome fut gouvernée par des souverains étrusques dont les Latins eux-mêmes n’ont pu détruire le souvenir. Du moins ont-ils altéré l’histoire de façon à la rendre presque impénétrable. Les rois étrusques étaient-ils des podestats délégués par la puissante Tarquinies ? Étaient-ce des chefs d’aventuriers qui, à la tête de bandes redoutées, se faisaient rois par droit de conquête, se chassant ou se remplaçant les uns les autres, ainsi que les condottieri du moyen âge ? L’occupation de Rome ne fut-elle pas plutôt un acte politique et réfléchi de toute la confédération, qui, entraînée par sa force d’expansion, avait franchi le Tibre, poussé jusqu’aux plaines de l’heureuse Campanie, où elle fonda Capoue, Vulturnum, Abella, Nola et d’autres villes qui formaient dans le sud de l’Italie une nouvelle confédération de douze cités ? L’étude de l’histoire générale ne suffit pas pour dissiper ces ténèbres, mais elle suffit pour faire rejeter les fables et les anecdotes inventées par l’orgueil romain. La réalité des rois étrusques de Rome est confirmée par des monumens récemment découverts. Ainsi le nom de Tarquin est bien étrusque, puisqu’on le peut lire gravé ou écrit trente-cinq fois dans une crypte funéraire de Cœré, sous la forme Tarchnas. Claude, l’empereur archéologue, qui avait étudié les archives de la vénérable Étrurie, a raconté sur les tables de bronze de Lyon l’histoire de Servius Tullius en nous avertissant qu’il était Étrusque et s’appelait Mastarna.

« À Tarquin l’Ancien, dit-il, succéda Servius Tullius : nos historiens le font naître d’une captive nommée Ocrisia, tandis que les auteurs étrusques en font le fidèle compagnon de Cœles Vibenna. Les vicissitudes d’une vie aventureuse le chassèrent de l’Étrurie avec les débris de l’armée de Cœles. Cette armée occupa une des sept collines qui prit le nom de Cœlius, du nom du chef. Quant à Mastarna, car c’était son vrai nom, je le répète, il exerça la puissance