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et de ses récompenses pour ceux des Gaulois qui l’aidaient dans son entreprise, qui se faisaient ses instrumens et ses complices.

Il y avait pourtant quelques âmes plus fières qui résistaient encore à la tentation, et qui se raidissaient contre l’exemple ; tout en ne laissant rien paraître de leurs sentimens, elles conservaient en secret le culte et le regret de l’ancienne liberté, et n’avaient point perdu toute espérance de la voir renaître un jour dans la Gaule affranchie par leur courage. Nulle part ces pensées et ces dispositions n’étaient mieux justifiées que chez les Trévires : ils avaient assez peu souffert dans la grande lutte dont le principal effort avait porté sur les peuples de la Gaule centrale ; depuis l’établissement de la domination romaine, pendant que la paix dont jouissait la Gaule les aidait à fermer leurs blessures et à réparer leurs forces, les Trévires avaient envoyé l’élite de leur jeunesse s’exercer à l’école des légions, dans les rudes campagnes de Germanie, et leurs chefs se former au commandement sous des capitaines comme Drusus, Tibère et Germanicus. Les Trévires étaient alors, Tacite le dit expressément, la population la plus belliqueuse de la Gaule ; ils ne se faisaient pas faute de mépriser la mollesse des autres Gaulois, qui avaient bien vite perdu l’habitude et le goût des armes ; ils allaient même, pour mieux faire sentir la différence, jusqu’à vouloir se donner pour les frères de ces Germains qu’ils étaient accoutumés à combattre. Nerviens et Trévires se vantaient d’avoir dans les veines plus de sang teutonique que de sang celtique. Quoi qu’il en soit de cette prétention, qui ne paraît point justifiée, c’est du pays des Trévires que partirent les dernières protestations armées contre la domination romaine. En l’an 21 de notre ère, un noble Trévire, Julius Florus, l’un des personnages principaux de sa cité, conspira avec l’Éduen Julius Sacrovir, lui aussi un des chefs de sa nation, pour délivrer la Gaule des Romains. Il était déjà trop tard ; trop de liens d’habitude et d’intérêt rattachaient la Gaule à l’Italie ; l’influence romaine avait déjà trop profondément pénétré. Un fait curieux, qui prouve avec quelle promptitude s’était opérée cette transformation, c’est que, dès l’époque de Tibère, en Gaule aussi bien qu’en Galatie, tous les noms gaulois ont disparu, au moins dans la haute classe. Ces chefs mêmes, qui s’apprêtent à braver la puissance romaine au nom de la vieille patrie celtique, n’ont plus que des noms latins, Julius Florus, Julius Sacrovir, noms qui rappellent l’un et l’autre le conquérant dont la main puissante avait terrassé, une fois pour toutes, l’héroïque nation. C’était là comme un signe de vasselage, comme un secret aveu de sujétion sans espoir et de subordination enfin acceptée. Florus et Sacrovir eurent beau choisir avec assez d’à-propos, pour donner le signal de la révolte,