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effet des « intentions » de la cour de laisser au Slesvig son « autonomie, » d’y placer les deux nationalités (allemande et scandinave) « sur le pied d’une égalité parfaite, » et d’élaborer pour l’ensemble des états une constitution commune. Or, la non-incorporation du Slesvig dans le royaume était déjà une calamité immense, « l’égalité des deux nationalités » ouvrait les portes à toutes les interprétations et réclamations imaginables. ; mais que dire d’une « constitution commune » pour l’ensemble des états du Danemark ? C’était à la fois une monstruosité et une impossibilité qui ne pouvaient avoir pour effet qu’un déchirement intérieur permanent et un assujettissement final à l’omnipotence, du Bund étranger. Et ce sont là les conditions que dut subir le Danemark en 1852 malgré tant et de si puissans protecteurs, hélas ! et en partie sur l’insistance même de ces protecteurs ! Alors, comme plus tard, en 1863, lord Palmerston (il faut bien avoir cette vérité toujours présente à la mémoire) était fermement résolu à ne risquer aucun conflit sérieux avec les Allemands malgré leurs violences leurs audaces même, et il amenait le Danemark récalcitrant à des concessions déplorables[1]. De son côté, l’empereur Nicolas, tenait avec une étrange persistance au statu quo, et par conséquent à « l’autonomie » du Slesvig. En outre la charte très libérale accordée par le roi Frédéric à ses provinces danoises en 1849 portait ombrage au tsar : une nouvelle constitution « commune » qui passerait au creuset de M. de Manteuffel et du prince Schwarzenberg souriait bien plus à son esprit, -— et c’est ainsi qu’on se garda bien de retirer du corps meurtri de la nation les traits empoisonnés qu’y avaient laissés les Allemands au moment de partir.

Quelques mots suffiront à résumer toute cette situation. Après une guerre désastreuse interrompue par deux armistices et terminée par une paix entre les belligérans et un traité européen, « gage additionnel de stabilité, » après tant de conférences et de protocoles, l’intégrité de la monarchie danoise se trouvait en 1852, plus menacée que jamais : l’épée avait été tirée deux fois, et le nœud gordien n’était en fin de compte que bien plus compliqué, plus resserré encore. En vérité, à la vue de son impuissance si

  1. En 1848, lord Palmerston était allé jusqu’à proposer de céder la moitié du Slesvig à la confédération germanique, — proposition que les deux parties furent unanimes à rejeter. Rien de plus curieux, pour le dire en général, que l’indulgence inépuisable dont le superbe ministre fit preuve envers l’Allemagne pendant toutes ces négociations de 1848-52 ; on ferait bien de relire les dépêches du foreign-office de cette époque : on y trouve l’explication de la conduite de l’Angleterre en 1863 et 1864 au sujet du même différend.