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L’objet véritable de cette discussion générale peut fort aisément et fort simplement se définir. Lorsqu’on demande au gouvernement le progrès constitutionnel et le rétablissement ou l’accroissement de la liberté politique, ce qu’on lui demande, c’est la participation des citoyens individuellement et collectivement au gouvernement, c’est ce que l’on appelle en Angleterre et en Amérique le self-government, c’est ce que nous-mêmes depuis 1789 nous appelons en termes très expressifs et en excellent français le gouvernement du pays par le pays. La participation au gouvernement ouverte à tous, voilà ce que la révolution française a voulu, voilà la formule politique des sociétés modernes, voilà l’œuvre que tous les peuples civilisés de notre époque pratiquent ou sont en train de réaliser. Ce que nous nommons libertés, ce sont les moyens naturels et indispensables par lesquels peut et doit s’accomplir la participation de tous au gouvernement ; liberté d’initiative individuelle, liberté de la presse, liberté de réunion, liberté d’association, liberté électorale, liberté parlementaire, ne sont pas autre chose. Il n’y a point à faire de finesse, il n’y a point à s’embarrasser dans les subtilités : les moyens pratiques par lesquels une nation exerce son droit de participation au gouvernement nous seront-ils donnés ou refusés ? nos droits seront-ils reconnus ou niés ? En supposant que l’application de ces libertés, que l’exercice de ces droits soient encore incomplets, sera-t-il permis ou interdit d’espérer, de solliciter, de poursuivre l’institution progressive des moyens par lesquels les peuples participent au gouvernement d’eux-mêmes ? Voilà la question qui domine toute la politique intérieure de la France. C’est celle qui a été traitée à trois points de vue dans la discussion générale de l’adresse.

À notre avis, la discussion d’un intérêt de cet ordre, au lieu de diviser et d’irriter les esprits, devrait avoir par excellence la vertu de les disposer à se comprendre et de les concilier. Cette discussion, bien loin en effet d’ébranler les principes de la constitution qui nous régit, est entièrement conforme à ces principes. Cette constitution a son principe dans la souveraineté nationale apparaissant sous sa forme la plus complète, qui est le suffrage universel. Elle a été l’œuvre d’une délégation solennelle de la souveraineté nationale. Le prince qui a été revêtu de cette délégation en a parfaitement compris la portée. D’une part, il a placé la constitution sous l’autorité des principes de 1789, qui ont précisément signalé sinon organisé les libertés politiques par lesquelles vit et s’exerce la souveraineté nationale ; d’une autre part, sachant bien que cette souveraineté ne peut se lier absolument et pour toujours à une forme constitutionnelle irrévocablement déterminée, que cette souveraineté ne peut se proclamer en abdiquant, ne peut se manifester en se détruisant, — il a déclaré la constitution perfectible et a reconnu qu’elle attendait son couronnement. La constitution peut donc se développer, et ses développemens doivent s’accomplir dans la direction indiquée avec éclat par les principes de 1789. En un tel