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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/966

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a jusqu’à présent obtenu dans le Djurdjura des résultats qui dépassent les espérances, et déjà se réalise cette prophétie du maréchal Bugeaud : « La Grande-Kabylie vaudra assurément les frais de la conquête. La population y est plus serrée que partout ailleurs. Nous aurons là de nombreux consommateurs de nos produits ; ils pourront les consommer, car ils ont à nous donner en échange une grande quantité d’huile et de fruits secs, et ces consommateurs, personne ne viendra nous les disputer contre notre volonté. Nous cherchons partout des débouchés pour notre commerce, et partout nous trouvons les autres peuples en concurrence. Ici nous aurons à satisfaire seuls les besoins d’un peuple neuf à qui notre contact donnera des goûts nouveaux…[1] »


II

Demeurés fidèles pendant l’insurrection algérienne de 1864, les Kabyles du Djurdjura, malgré les bruits qui leur arrivent des troubles de la Kabylie orientale[2], n’ont pas changé d’attitude. Il n’en serait pas moins téméraire de s’endormir dans une quiétude aveugle ; cette tranquillité ne doit pas être une raison de se contenter du statu quo, c’est bien plutôt un motif de ne pas s’arrêter dans la voie de progrès où nous avons conduit ces populations et de resserrer les liens qui nous les attachent.

Développer et multiplier nos routes, ce sera satisfaire à la fois les intérêts de notre domination et ceux du commerce kabyle. On sait combien le montagnard profite de nos voies de communication ; il imite déjà lui-même nos travaux, et les Zouaouas ont jeté à leurs frais, sur un de leurs grands torrens, un pont dans le genre des nôtres. Le temps paraît venu maintenant de compléter la route d’Alger à Fort-Napoléon par un pont sur l’Oued-Aïssi, la plus dangereuse des rivières de la montagne, qui coule au pied des Aït-Iraten, et grossit en quelques minutes de façon à rendre presque tout passage impraticable. Les Kabyles ne demandent pas mieux que de travailler à nos routes, puisqu’ils en jouissent. La prestation en nature, comme disent nos lois, la corvée, comme l’appellent les Kabyles sans que leurs goûts de liberté s’offusquent du mot, entre complètement dans leurs mœurs, car d’après l’ancienne coutume tout citoyen est corvéable en matière de travaux publics. Or que l’on calcule bien, et dans le plus petit des cercles du Djurdjura,

  1. Extrait du rapport sur le combat du 17 mai 1844 contre les Flissas.
  2. Voici ce que nous lisons dans une lettre datée de Dra-el-Mizan, le 5 avril 1865, et qui émane de bonne source : « Tout le Djurdjura est dans le calme le plus complet et dans une situation politique aussi satisfaisante qu’en automne dernier ; on s’y occupe peu des événemens qui ont lieu dans les Babors. »