Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/967

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celui de Dra-el-Mizan, on compterait aujourd’hui cinquante mille journées de travailleurs valides et ayant deux mille bêtes de somme à leur disposition, si l’on imposait à chaque contribuable une prestation en nature de trois journées de travail, à l’instar de la loi, française sur les chemins vicinaux. Il y a donc là une force de production qui, bien employée et dirigée, peut amener des résultats énormes. De quelle aide puissante ne sera-t-elle pas pour ouvrir une voie de communication utile et définitive entre Alger et Bougie par Tizi-Ouzou, voie qui devra suivre les crêtes, si elle veut être stratégique et imposer vraiment aux populations ! « Quand nous vîmes l’armée française déboucher menaçante sur les crêtes, nous disaient les habitans d’un village sis à mi-côte du Djurdjura, nous ne savions plus que faire ; nous étions comme une femme que son mari tient à terre par les cheveux et sur laquelle il love le bâton ; elle sent le bâton levé, et ignore où il va frapper. »

La végétation ligneuse a beau être féconde dans la montagne, c’est un devoir d’y faire planter encore et d’empêcher à tout prix le défrichement, afin de retenir, l’humus qui glisse et d’obvier quelque peu aux crues d’eau si rapides de tous les torrens de la vallée. Il est un arbre principalement, arbre nouveau pour les Kabyles, dont nous avons à encourager la propagation comme un bienfait : c’est le châtaignier. Le maréchal Bugeaud avait emporté avec lui, dans son expédition de 1847, quelques sacs de châtaignes qu’il distribua aux Kabyles de la rive droite de l’Oued-Sahel ; les premières qu’ils goûtèrent leur parurent si bonnes qu’ils les firent griller et les mangèrent toutes, sans en garder pour mettre en terre. Après la conquête du Djurdjura, le maréchal Randon essaya d’y acclimater le châtaignier par pieds et par semailles. À Fort-Napoléon, la plupart des semis ont réussi, et nous y avons récemment vu quelques centaines de jeunes arbres en plein développement. Le châtaignier est long à croître, mais on peut espérer que le gland français (comme l’appellent les Kabyles) remplacera heureusement quelque jour le gland doux, qui, dans le Djurdjura, fait le triste fond de la nourriture du pauvre.

Dans la voie de l’industrie, les Kabyles se trouvent tout lancés ; déjà ils copient nos usines, ils empruntent nos appareils. L’année 1864 fut mauvaise pour l’olive, qui ne vient abondante qu’un an sur deux. L’année 1865 sera la bonne ; qu’on en profite pour pousser les Kabyles des cercles de Tizi-Ouzou et de Fort-Napoléon à modifier la préparation de leurs huiles en suivant l’exemple donné par le cercle de Dra-el-Mizan. Chaque usine d’huile qui s’élèvera dans un village sera une cause certaine d’accroissement dans le bien-être général. Toutefois le développement de cette industrie et l’installation des usines réclameront de plus en plus des ouvriers habiles