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struction publique, en nous révélant que, durant les seize dernières années, le progrès a été moins rapide que dans la période précédente, a par cela même appliqué un blâme mérité à tous ceux qui peuvent être responsables de ce ralentissement. 818 communes privées d’écoles, 884,887 enfans de sept à treize ans qui ne reçoivent pas l’instruction primaire, un tiers environ qui ne recueillent qu’une instruction insuffisante, passant sur trois ans, en moyenne, six mois à peine à l’école, ce sont là de tristes résultats à mettre en regard de ce qu’ils coûtent. De cet aveu fait avec une audacieuse franchise, il ressort une vérité évidente : c’est que, pour extirper l’ignorance de notre société française, le concours de tous, état, communes, associations religieuses, laïques, n’est pas de trop, et qu’il serait oiseux aujourd’hui de disputer sur des théories et des systèmes, mais qu’il importe d’appliquer tous les modes possibles sans perdre de temps, sans marchander les sacrifices, de courir enfin au plus pressé, en faisant cesser sous ce rapport l’infériorité de notre pays, qui est à la fois une honte et un danger. L’instruction primaire, c’est surtout le besoin des campagnes. L’instruction économique, c’est déjà le désir le plus ardent des ouvriers des villes, des grands centres manufacturiers, d’où elle se répandra très certainement à tous les groupes de travailleurs sur la surface du pays ; mais la connaissance des lois qui règlent la production et la répartition de la richesse ne s’acquiert pas seulement dans les livres : elle se propage plus sûrement encore par la pratique même des affaires. Or toutes les associations fondées sur de sages principes l’enseignent et la divulguent. Quoi de plus efficace à cet égard que le mouvement coopératif dont l’éclosion, si récente chez nous, présente cependant déjà de remarquables résultats ? Toutes ces sociétés de crédit mutuel dont la Belgique et surtout la Prusse offrent depuis longtemps les modèles, et sur lesquelles nous avons appelé, il y a plusieurs années déjà, l’attention des lecteurs de la Revue[1], nous paraissent destinées non-seulement à modifier heureusement la condition matérielle des classes laborieuses, mais à en élever au plus haut degré le niveau intellectuel et moral.

Pour revenir au sujet particulier de cette étude, constatons qu’aucune localité plus que Lyon n’est prête à seconder les efforts qui seraient tentés pour répandre l’instruction et populariser la science économique. Les cours de la société d’instruction et ceux de la nouvelle société d’enseignement professionnel sont suivis avec une assiduité croissante. Favorisé par cet élan si remarquable, le mouvement économique se développe dans le sens le plus libéral

  1. Voyez la Revue du 15 février 1859, Du Crédit mutuel.