Au-dessus de tous les hommes que la guerre civile américaine a mis en relief et voués à la gloire, Abraham Lincoln a désormais sa place marquée comme le plus pur et le plus grand. Après quatre années de luttes et d’inquiétudes, après avoir longtemps espéré contre l’espérance et vu tant de sang précieux se perdre inutilement dans le sol de la Virginie, le président deux fois élu croyait toucher au terme de ses efforts[1] ; il avait presque accompli la tâche redoutable que les événemens et la volonté populaire lui avaient imposée, et dans le moment même où il semblait que la fortune n’avait plus rien à lui refuser, quand il allait recueillir le fruit tardif de tant de peines, la mort l’a saisi, une mort lâche et traîtresse. Une succession de brillantes victoires avait enfin ouvert les portes de Richmond, et les restes de cette armée qui si longtemps avait défié le nord avaient été réduits à mettre bas les armes. Au milieu des transports et des cris d’une joie presque délirante, M. Lincoln ne fit entendre que des paroles de douceur. Jamais triomphateur ne fut plus modeste, on pourrait presque dire plus humble ; il était allé à Richmond, il était entré un moment dans la maison de M. Jefferson Davis. Quelques régimens noirs avaient défilé devant lui, il avait montré à la Virginie le président des États-Unis ; mais au milieu des fumées de la ville incendiée, aux étincellemens des baïonnettes, dans le bruit et le désordre de la guerre, il ne songeait, lui, qu’à la paix. Il n’alla point au capitole de Richmond signer des listes de proscription ;
- ↑ Voyez sur la dernière élection présidentielle la Revue du 1er décembre 1864.