Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/714

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nitentiaire vient aboutir en dernière analyse, et désormais on la verra bien certainement osciller entre ces deux tendances ; c’est bien là que se rencontre son plus grand et peut-être son unique intérêt. Aussi est-ce à ce titre qu’elle sera l’objet plus spécial de notre examen. Pour en fixer nettement le point de départ, il importe de montrer tout d’abord les vices et les déplorables résultats du régime actuel.

S’il est un fait malheureusement trop vérifié, c’est que le nombre des délits s’est fort accru dans ces derniers temps. Ainsi il aurait à peu près doublé pendant les vingt-cinq dernières années. Il est cependant vrai qu’à les prendre dans leur ensemble on signale, à partir de 1852, une certaine décroissance ; mais vient-on à les analyser, l’on remarque à l’instant même que cette décroissance, loin d’être un sujet de sécurité, doit exciter au contraire les plus vives inquiétudes. Si elle existe pour les délits d’une certaine nature tels que les délits forestiers, les délits de chasse, la mendicité et les délits politiques, il en est tout autrement quand il s’agit des délits beaucoup plus graves d’abus de confiance, de tromperie sur la nature et la qualité des marchandises vendues, etc. Le nombre de ces délits, qui n’était, en 1852, que de 3,763, s’est élevé, en 1856, à 10,780. On remarque aussi que les délits de rébellion et d’outrage envers les agens de l’autorité, qui avaient un peu diminué de 1852 à 1854, sont en pleine recrudescence depuis 1855. On est enfin forcé de reconnaître, et ce n’est pas le côté le moins affligeant de la statistique, que cela est vrai surtout des crimes et délits contre les mœurs. Ainsi, pour les infanticides, la proportion d’accroissement est, depuis vingt-cinq ans, de 45 pour 100, et, pendant la même période, de 48 pour 100 pour les viols et les attentats à la pudeur sur les adultes.

A la suite de ce tableau, et pour l’éclairer d’autant, il importe de remarquer que, dans les dernières années, le jury s’est montré plus sévère pour les délits contre la propriété que pour les délits contre les personnes, et de plus que les grands attentats ont été moins fréquens. Si, comme on n’en peut douter, ces deux observations sont vraies dans leur plus grande généralité, c’est que très certainement, parmi les causes des faits qui en sont l’objet, on en rencontre qui affectent elles-mêmes, sous ce rapport, un caractère très général et très absolu, comme serait par exemple celle qui ressortirait de l’état des mœurs ou d’une certaine disposition des esprits : or ne serait-ce pas précisément le trait capital et distinctif de la situation ? Si l’on suppose en effet que le goût et le sentiment d’un certain bien-être matériel soient, comme on le dit, prédominans à ce point que tout dans la vie, même les plus douces affections et les devoirs les plus saints, tende désormais à se subordonner à des calculs,