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filent vigoureusement sur l’horizon ; ailleurs un pont, les ruines d’un temple, ou, comme le prétendu tombeau de Syphax, un monument symbolique dont on ne comprend pas la destination. Le plus souvent, ces restes d’une autre époque se réduisent à des pierres taillées qui jonchent le sol ; mais elles sont abondantes à tel point, surtout dans la province de Constantine, que des colons européens en ont pu bâtir leurs maisons. D’autre part, les écrivains de l’antiquité romaine qui ont parlé de l’Afrique septentrionale et dont les ouvrages ont survécu jusqu’à nos jours, Pline, Strabon, Ptolémée, l’auteur inconnu de l’Itinéraire d’Antonin, nous ont laissé la description géographique de ces provinces, tandis que les historiens du temps enregistraient les grands événemens dont elles ont été le théâtre. Lorsque, après bien des siècles d’occupation barbare, le pays a été conquis de nouveau par un peuple éclairé et qu’on y a retrouvé les traces encore fraîches d’une ancienne civilisation, on s’est préoccupé d’identifier les ruines de l’époque actuelle avec les noms des lieux que les auteurs avaient transmis. Il serait trop long d’analyser les méthodes suivies pour un travail de ce genre, travail qui n’a de valeur, on le comprend, que par l’esprit critique et judicieux des savans qui l’entreprennent. Les inscriptions lapidaires, la description des lieux, l’évaluation des distances, quelquefois l’homonymie des noms, en forment les principaux élémens. Quand ces recherches historiques sont suffisamment avancées, il devient utile d’en fixer les résultats sur le papier, afin d’appeler le contrôle et de servir de guide pour de nouvelles investigations. C’est là le but que se sont proposé les auteurs de la carte dont il s’agit ici.

La Carte de l’Afrique sous la domination des Romains représente en longitude tout J’espace qui est compris entre l’Atlantique et l’Égypte, cette dernière contrée, qui tient une place à part dans l’histoire du monde, ayant été laissée de côté. En latitude, elle s’étend des bords de.la Méditerranée jusqu’au 27e degré. Elle renferme donc les premières régions du Sahara, deserta sitis regiot où les armées romaines avaient pénétré, ce dont on serait tenté de douter, si le fait n’était attesté par des autorités irrécusables ; mais c’est sur la Mauritanie césarienne et la Numidie, ce qui constitue aujourd’hui l’Algérie, que principalement l’intérêt se concentre. À chacune des villes créées depuis l’occupation française correspond une ville ancienne, quelquefois inconnue, quelquefois fameuse dans l’histoire. Constantine est l’antique Cirta, déjà puissante sous les rois numides et capitale de la province. Icostum, une modeste colonie romaine dont le nom est à peine cité par les annalistes, occupait l’emplacement d’Alger, tandis que, à vingt lieues de là, loi Cæsarea, métropole de la Mauritanie, est remplacée par la petite ville de Cherchell. Ceci ne prouve-t-il pas que la destinée des villes tient beaucoup à leur situation topographique ? Constantine, entourée de tous côtés par un ravin qui la rend inexpugnable, dut être en tout temps une position importante. Alger, au contraire, n’a dû sa fortune qu’à des tra-