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agriculture prendra son essor pour se répandre ensuite sur le reste de la Grèce. Le dessèchement du lac Copaïs, qui couvre de ses eaux marécageuses toute la partie basse de la contrée, livrerait aux cultivateurs une vaste étendue de terrain remarquable par sa fertilité et réaliserait en peu de temps les prévisions du géographe ancien. Aussi les réformateurs de la Grèce voudraient-ils avec raison donner par cette entreprise le signal des transformations intérieures auxquelles ils s’efforcent de convier le pays. La nature et la variété des produits du sol de la Livadie sont déjà pour cette province une source de prospérité relative ; le maïs, le riz, la garance, le tabac, le coton réussissent merveilleusement jusque sur les bords de l’immense marais. La culture du coton principalement, stimulée par la guerre d’Amérique, a pris depuis quelques années en Livadie, comme dans toute la Grèce, un développement considérable, bien que les cultivateurs actuels aient eu à lutter contre les difficultés créées par la modicité de leurs ressources, par le déplorable état des voies de communication et par l’absence de toute initiative de la part des gouvernemens précédens. Le lac Copaïs, qui occupe une superficie de 25,000 hectares et que côtoie la route de Thèbes à Livadie, est borné au nord par les premiers contre-forts du Parnasse, à l’ouest par les penchans agrestes de l’Hélicon, au sud et à l’est par les monts Ptoüs. Il se trouve ainsi fermé de toutes parts et séparé, par des montagnes d’un accès difficile ou par des rochers inabordables, de la plaine de Thèbes et de la mer, avec laquelle il ne possède aucune communication apparente.

L’Hélicon était autrefois célèbre par ses belles forêts, ses sources limpides, ses cascades et ses fleurs ; la nature lui avait prodigué des faveurs dont elle s’était montrée avare à l’égard de beaucoup d’autres contrées de la Grèce. Aussi les anciens avaient-ils consacré aux Muses, orné de temples et de statues, rehaussé du prestige des plus gracieuses traditions de la mythologie ce séjour attrayant que fréquentaient les artistes, les sages et les poètes. Bien que l’Hélicon soit singulièrement déchu de son ancienne splendeur et qu’on n’y retrouve plus ni le bois mystérieux des nymphes Piérides, ni la grotte des Lybéthriades, ni la source de l’Hippocrène, il n’en forme pas moins l’une des régions les plus heureuses de l’Hellade moderne. Les vallées que la montagne projette à l’orient vers le Copaïs, à l’occident vers le golfe de Corinthe, sont pour la plupart profondes, boisées, arrosées parfois par des sources d’eaux vives, abondantes en pâturages, variées par d’harmonieux accidens de terrain, pleines de sites alpestres. Elles exercent un véritable charme sur le voyageur qui vient de quitter l’aride plaine de Thèbes et les oliviers poudreux de l’Attique. L’Hélicon s’abaisse peu à peu jusque sur les confins du Copaïs, où il se termine en un