vaste hémicycle par une série de pentes douces, fertiles, peuplées d’assez nombreux villages. En face, du côté de la mer, le paysage offre un contraste frappant. Le mont Ptoüs élève de toutes parts une barrière de rochers abrupts qui s’avancent en promontoires aigus dans le marécage et forment des anses multipliées. Enfermées entre les vertes collines de l’Hélicon et les parois verticales du Ptoüs, les eaux, que des inondations régulières déversent dans la plaine, ne sont que très imparfaitement absorbées par l’évaporation atmosphérique ou par des issues souterraines d’une très faible activité. Ces issues, dont les orifices apparaissent comme des cavernes sur le flanc des rochers, sont le résultat des bouleversemens successifs éprouvés par le globe terrestre ; la roche du Ptoüs est formée d’un calcaire très compacte et très dur, dont les diverses couches ont été agitées et soulevées lors des révolutions primitives de la nature à la suite desquelles a surgi le relief brusquement accidenté de cette contrée. Ces cataclysmes ont produit entre les diverses couches du rocher des vides plus ou moins considérables, ici de simples fissures, là de véritables gouffres, que l’éboulement des roches supérieures, les détritus animaux et végétaux, entraînés par les eaux qui s’y sont précipitées, sont venus ensuite obstruer partiellement. Ces issues sont désignées communément sous leur ancien nom de katavothres[1] ; on en compte jusqu’à vingt-trois sur la ligne des rochers qui séparent le lac de la mer et de la plaine de Thèbes. Le plus actif de ces émissaires est celui dont on aperçoit l’ouverture non loin du col de Képhalari, qui s’élève à une petite distance de Topolias (ancienne Copæ). Les anciens avaient conçu la pensée de dessécher le marais en favorisant l’écoulement des eaux, et l’on reconnaît dans le voisinage de presque tous les katavothres des vestiges de travaux entrepris par eux pour imiter le travail de la nature et pour achever l’œuvre ébauchée par elle. Le Kephalari, à cause de sa proximité de la mer et de la quantité d’eau plus considérable absorbée par ses cavités, paraît avoir spécialement attiré leur attention. Sur le sommet du col qui porte ce nom, l’on remarque les traces de seize puits au moyen desquels ils essayèrent soit de creuser un canal artificiel, soit de pénétrer dans le canal souterrain pour l’élargir et le déblayer. Ces travaux, qui remontent à une haute antiquité, puisque Strabon les regardait déjà comme fort anciens et ne pouvait leur assigner une date précise, ne paraissent pas d’ailleurs avoir été poussés fort loin. Un savant ingénieur, M. Sauvage[2], les considère comme de simples essais interrompus par l’impuissance à laquelle ceux qui les tentèrent furent bientôt
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