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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/878

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II

Il est une question d’utilité publique qui, dans l’état actuel de la Grèce, accompagne et domine toutes les autres, c’est celle des voies de communication. Que servirait en effet de dessécher le Copaïs et d’accomplir les autres grands travaux dont on se préoccupe, si les provinces au profit desquelles ils doivent s’exécuter restaient, comme aujourd’hui, séparées des provinces limitrophes par des sentiers souvent impraticables, toujours difficiles à parcourir, et si elles n’étaient dotées de voies de communication rapides et économiques ? Les seules routes à peu près carrossables que nous ayons pu suivre en Grèce n’atteignent pas à elles toutes une longueur de 100 kilomètres ; dans l’intérieur du pays, on ne rencontre que des chemins accessibles seulement aux piétons et aux mulets, constamment coupés pendant l’été par les orages, pendant l’hiver par les torrens et les éboulemens. On conçoit le préjudice mortel qu’un tel état de choses apporte au développement de l’industrie et de l’agriculture, soit par la difficulté et la lenteur des relations et des échanges, soit par l’excessive cherté des transports. Il en coûte plus, nous a-t-on dit, pour transporter un sac de blé de Livadie au Pirée que pour le faire venir d’Odessa au même port. Il ne paraît pas que la Grèce ancienne ait été beaucoup plus favorisée sous ce rapport que la Grèce moderne ; on a pu lire en effet, dans une très intéressante étude sur l’art romain récemment publiée par la Revue[1], que « les Grecs entamaient les rochers sur une petite largeur, laissaient les roues du char creuser leur ornière, et s’en allaient cahotés fièrement par les montagnes et les vallées. » Ils ne font pas autrement aujourd’hui, et encore le char antique ne trouverait-il plus assez de place pour passer sur les chemins actuels.

La question des voies de communication est pour la Grèce une question vitale, elle intéresse au plus haut point non-seulement l’industrie et l’agriculture, mais la sécurité publique même ; les bandits en effet sont singulièrement encouragés par l’impossibilité de toute circulation régulière à l’intérieur du pays et par le grand nombre de sentiers étroits, de défilés scabreux au détour desquels ils dressent impunément leurs embuscades aux voyageurs comme aux détachemens de troupes envoyés de temps à autre à leur poursuite. Un ministre de France à Athènes dont le nom est attaché aux principaux essais d’améliorations matérielles tentées sous le dernier règne, M. de Lagrenée, fit de vains efforts pour déterminer le gou-

  1. Un Préjugé sur l’art romain, par M. E. Beulé, de l’Académie des inscriptions, livraison du 15 mars 1865.