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tique sanction, si récente qu’elle n’était pas encore reconnue par les cours de l’Europe, et que, parmi les souverains engagés de parole à la reconnaître, certains nièrent leur promesse dès le lendemain de la mort du Kaiser. De près et de loin, rien que défection et danger : la Bavière conspirait ouvertement, et quêtait des votes pour l’élection impériale ; la Saxe louvoyait entre tous les partis en attendant de s’attacher à la triple alliance franco-bavaro-prussienne ; l’Espagne comptait sournoisement les heures, impatiente de fondre sur l’Italie. La France d’avant Choiseul cachait des intrigues de demi-monde sous une politesse emmiellée, et le cardinal Fleury jetait de l’eau bénite sur les grossièretés du maréchal de Belle-Isle. Quant à l’Angleterre, selon sa coutume, elle observait chaque incident de la lutte imminente, résolue à n’accorder l’appui toujours décisif de son alliance qu’au plus fort, puis s’entretenait la main par une immixtion incessante dans les affaires d’autrui. La Prusse fut la première à agir, un des grands secrets de Frédéric étant de toujours se presser, instinctivement persuadé que, dans l’action la mieux réussie, les neuf dixièmes du mérite consistent à avoir agi. Frédéric devinait la situation presque désespérée de Marie-Thérèse ; l’Angleterre devina bien vite la fortune de Frédéric, et cette pénétration de l’Angleterre était encore fatale à l’Autriche, qu’elle paralysait du côté de sa seule véritable alliée à l’étranger.

A l’intérieur, on s’étonnait de se trouver gouverné par une femme, et, selon la louable habitude autrichienne, on s’effraya outre mesure de ce à quoi on n’était pas accoutumé ; puis, au bout du compte, on avait à peine un nom, car François de Lorraine, le mari de l’archiduchesse Thérèse, n’était plus même un prince souverain, ses états ayant été cédée à la France ; c’était tout au plus un grand-duc de Toscane rappelé de Florence pour venir apporter à Vienne des façons italiennes ou, qui sait ? françaises[1]. C’était le chef d’une des plus grandes maisons d’Europe, un descendant des Guises, mais impossible de voir en lui un roi de Bohême ni un roi de Hongrie. Et la fille de Charles VI elle-même, qu’était-elle ? Il ne lui restait qu’à s’intituler reine de Hongrie, ce qu’elle fit, mais au risque manifeste (du train dont marchaient ses sujets hongrois) de demeurer reine in partibus. On le voit, il était difficile d’entrer en ménage de royauté avec moins de ressources que ne le firent Marie-Thérèse et le grand-duc François en l’année 1741.

Mais si jamais le mot de Médée put s’appliquer avec justesse, ce

  1. « La casa di Lorena non è grata all’Impero perchè pose loro straniera e mezza Francese. » Zeno.