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ses collègues, en date du 8 de ce mois, que votre excellence avait l’intention de se rendre à Tong-chaou pour y négocier la paix, et que votre excellence ne voulait plus avoir de rapports officiels avec eux, alors cependant qu’ils vous disaient que, par ordre de l’empereur, toutes les demandes présentées par votre gouvernement pouvaient être satisfaites à l’amiable. Ils avaient, en vérité, reçu l’ordre de traiter sérieusement avec votre excellence, et de céder sur tous les points, afin qu’après avoir signé une convention, on l’exécutât fidèlement ; mais Kouei et ses collègues, n’ayant pas su se conformer aux ordres de l’empereur, ont fait naître mille susceptibilités, au point d’amener votre excellence à vouloir négocier à Tong-chaou. Or, comme les deux empires désirent conclure la paix, si vous avancez jusqu’à Tong-chaou, non-seulement votre excellence se fatiguera inutilement en y allant et en revenant, mais l’armée et le peuple pourront en concevoir de l’ombrage et de l’inquiétude. Puisque toutes les clauses exigées par votre empire sont déjà accordées, rien ne s’oppose à ce que nous le constations dans une entrevue personnelle. Nous venons de recevoir un décret impérial qui nous ordonne de nous rendre à Tien-tsin pour nous entendre avec votre excellence. Aujourd’hui même nous nous mettons en route, pour cette ville, et, après une conférence, tous les articles et toutes les conventions seront arrêtés pour consolider la paix ; c’est ce dont nous voulons vous prévenir par cette importante dépêche, écrite le 10 septembre 1860. »


Ainsi deux nouveaux acteurs entrent en scène. D’après leur début, on peut voir que les diplomates chinois ne brillent point par la fertilité ni par la variété des argumens. Depuis l’ouverture des négociations, c’est toujours, sauf quelques variantes de style, la même dépêche qu’écrivent successivement le gouverneur-général Hang, puis Ouen et Heng-ki, ensuite Kouei-liang et enfin le prince Tsaï. Chacun d’eux commence par accepter les conditions des alliés en rejetant sur ses prédécesseurs la responsabilité et la faute des malentendus. Ouen et Heng-ki n’avaient pas hésité à déclarer que Hang s’était conduit comme un maladroit. À peine avaient-ils paru sur l’horizon que Kouei-liang venait à son tour, en prenant leur place, leur délivrer un brevet d’incapacité, et Kouei-liang lui-même se voyait dénoncé par son successeur le prince Tsaï comme ayant tout gâté. Ils se trahissaient les uns les autres avec une facilité vraiment trop étrange pour que les désaveux parussent bien sincères, et les ambassadeurs ne devaient plus éprouver la moindre émotion devant cette hécatombe de mandarins que l’on venait ainsi presque chaque jour sacrifier à leurs pieds. Du reste, la conclusion de toutes les dépêches était invariablement la même : il s’agissait uniquement de décider les alliés à ne point s’approcher de Pékin.

Le baron Gros et lord Elgin répondirent au prince Tsaï qu’ils ne demandaient pas mieux que d’échanger des paroles de paix, mais que la conversation ne pouvait s’engager qu’à Tong-chaou, et ils